L’exposition se tient jusqu’au 10 septembre au Musée de Montmartre.

Musée de Montmartre Jardins Renoir

Certainement le musée le plus charmant de Paris, le musée de Montmartre Jardins Renoir a été créé en 1960 dans l’une des bâtisses les plus anciennes de la Butte, construite au XVIIe siècle.
Lieu de rencontres et de résidence, le 12 rue Cortot attira de nombreux artistes. Auguste Renoir y eut son atelier tout comme Suzanne Valadon, Émile Bernard et les fauves Émile-Othon Friesz et Raoul Dufy.

« Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de tout autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »

C’est ainsi qu’André Breton définit le surréalisme en 1924 dans son premier manifeste.

Mimi Parent (1924-2005) Léda, 1997,
Assemblage de matériaux mixtes, boîte sous verre, Collection Mony Vibescu, © DR, photo © Gilles Berquet

Le Musée de Montmartre propose une exposition qui explore les degrés et les différentes formes d’adhésion de femmes artistes et poètes, au mouvement surréaliste.

Cinquante d’entre elles sont représentées dans le parcours, avec près de 150 œuvres exposées.

Emila Medkova (1928-1985), Nohy (Legs), 1949,
Epreuve gélatino-argentique, 30 x 40 cm,
Galerie Les Yeux Fertiles, Paris

Mouvement provocateur et dynamique, le surréalisme déclenche au 20ème siècle un renouvellement esthétique et des bouleversements éthiques.
Les hommes ne sont pas les seuls à avoir rendu vivants ce courant et ses transgressions : de nombreuses femmes en furent des actrices majeures mais néanmoins mésestimées par les musées et minorées par le marché de l’art.

Ainsi, l’exposition a pour ambition de présenter des artistes majeures telles que Claude Cahun, Toyen, Dora Maar, Lee Miller, Meret Oppenheim et Leonora Carringtonmais également de mettre en lumière d’autres personnalités moins connues comme Marion Adnams, Ithell Colquhoun, Grace Pailthorpe, Jane Graverol, Suzanne Van Damme, Rita Kernn-Larsenn, Franciska Clausen ou encore Josette Exandier et Yahne Le Toumelin.

Quatre questions aux commissaires Alix Agret et Dominique Païni

– Qu’avez-vous voulu raconter à travers cette exposition ?

Il s’agit de faire découvrir des femmes artistes et poètes mésestimées par les musées et le marché de l’art et pourtant actrices majeures du mouvement surréaliste.

Leurs pratiques fréquemment interdisciplinaires – picturales, photographiques, sculpturales, cinématographiques, littéraires – traduisent leur volonté de s’affranchir des genres artistiques conventionnels, des normes sexuelles et des frontières géographiques.

Cette exposition est conçue comme une hypothèse plutôt que comme une démonstration, d’où le point d’interrogation du titre. Elle propose un inventaire non exhaustif d’une cinquantaine d’artistes et de poètes dont les créations, datées des années 1930 aux années 2000, excèdent la date de dissolution officielle du groupe surréaliste (1969).

Cette sélection, pour une part nécessairement subjective, tente de cerner ce que fut la part féminine du surréalisme, invitant à poursuivre les recherches sur un sujet infiniment complexe et varie.

– Comment avez-vous choisi les 50 artistes présentes dans l’exposition ?

Nous avons commencé par les artistes les plus connues dont certaines ont été mises en valeur ces dernières années dans des expositions internationales comme en 2022, Le Lait des rêves, à la Biennale de Venise. Pour beaucoup, cette célébrité n’était pas étrangère à un compagnonnage amoureux avec un peintre ou un écrivain du mouvement surréaliste.

Un second critère de sélection a ensuite été la participation de ces femmes aux expositions internationales du surréalisme des années 1930 aux années 1960 ou leurs contributions à des revues publiées par différents courants du mouvement.

Nous avons constaté que le surréalisme avait offert aux femmes un cadre d’expression et de créativité sans doute sans équivalent dans les autres mouvements d’avant-garde.

Mais cet elan allait de pair avec une instrumentalisation « poétique » de l’identité feminine aux effets pervers. Avant d’être une artiste ou écrivaine. la femme était une femme muse, une femme enfant, une incarnation fantasmée de Mélusine, etc. Selon la formule percutante d’Ithell Colauhoun:

« les femmes avaient tendance à être autorisées mais non nécessaires ».

Nous avons donc recherché auprès de collectionneuses et collectionneurs prives, passionnés par le surréalisme et la redécouverte d’artistes oubliées, ou rarement exposées, une quarantaine sur la cinquantaine présentée.

– En quoi le mouvement surréaliste est-il un cadre d’expression et de créativité pour ces femmes artistes?

Le surréalisme, dont l’un des principes fondateurs était de ne pas séparer l’art de la vie, n’accordait pas de privilèges aux seules disciplines artistiques enseignées par les académies, exposées dans les musées, promues par le marché de l’art et prisées par les collectionneurs spéculateurs.

Il a doté de noblesse le détournement d’objets trouvés dans les brocantes et les marchés aux puces, les rapprochements humoristiques entre des images vernaculaires (presse, catalogues de vente par correspondance, publicité..) et des images consacrées par l’histoire de l’art, la photographie, les activités artisanales ou les travaux « modestes » (couture, broderie, bijoux..).

Autant d’audaces, sinon de provocations dont les artistes femmes s’emparèrent aussi pour exprimer leur désir d’indépendance et leur révolte à l’égard des humiliations qui les atteignaient en tant que femmes.

De même qu’elles furent indifférentes à la hiérarchie des genres artistiques, elles mêlèrent dans leurs pratiques littéraires souvent indissociables de leurs travaux plastiques – fiction, poésie et essais critiques.

– Quelle est la place du féminisme dans l’exposition ?

Le geste même de cette exposition est féministe.

À travers elle, nous disons que des œuvres d’artistes et de poètes femmes démontrent une puissance d’invention et un degré de réussite artistique comparables à celles de leurs homologues masculins. Si elles étaient encore vivantes, beaucoup d’entre elles auraient pourtant sans doute repoussé l’invitation d’y figurer, refusant d’être réduites à leur identité féminine. Nous assumons néanmoins ce parti pris pour les faire découvrir et les imposer comme des créatrices à part entière. Le féminisme contemporain constitue, de notre point de vue, un levier pour rappeler que dans l’histoire de l’art, comme dans d’autres domaines, nous n’avons pris en compte que le point de vue de la moitié de l’humanité. Ces problématiques coexistent dans le parcours de l’exposition avec sa vocation de présenter des œuvres sélectionnées, avant tout, selon des critères de novation formelle.

Si vous voulez découvrir cette exposition exceptionnelle au Musée de Montmartre, faites vite de programmer votre visite! Il vous reste moins de deux semaines !

INFOS PRATIQUES

EXPOSITION

SURREALISME AU FEMININ ?

Jusqu’au 10 septembre
au Musée de Montmartre

Commissariat de l’exposition :
Alix Agret et Dominique Païni