Eh oui certaines figures du show bizz nous semblent éternelles.

Et malheureusement la récente disparition de Regine nous a rappelé qu’il n’en est rien!

Outre la nostalgie due au souvenir impérissable d’années mythiques, la mort de cette grande dame des nuits parisiennes m’a menée à d’autres réflexions d’ordre plus, disons, sociologique.

Pour approfondir le sujet et répondre à quelques-unes des questions qui se bousculaient dans mon esprit, il me fallait quelqu’un qui, lui aussi, soit un pilier du monde de la nuit et du show business.

C’est donc Thierry Wolf, fondateur de FGL productions (entre autres activités !) société indépendante de production de disques musicaux, de divertissement et de vidéos qui me fait le grand plaisir de répondre aujourd’hui à mes questions.

Z.P: Quelle place culturelle peut-on attribuer aujourd’hui au monde de la Nuit ?

T. W : De tous temps, la nuit a permis des projets de créations… Beaucoup d’écrivains travaillent la nuit… Les musiciens composent… C’est la nuit que des projets se montent, que des rencontres se font et que naissent des collaborations. Comme dit le proverbe chinois : « il y a de longues nuits qui ressemblent à de petites années ». Les nuits de Régine, comme celles de Fabrice Emaer du Palace, c’était l’occasion de rencontres qui ne se seraient jamais faites. À la lueur des lumières tamisées, on ne reconnait plus le gangster de l’homme politique ou la dactylo de la star des podiums de mode. Tout le monde se mélange dans une sorte de danse souvent éphémères dont Régine était la chorégraphe parfaite puisqu’elle savait comme personne mêler les personnes issues des quartiers populaires aux jet setteurs, ou enfants bien-nés venus dépenser l’argent de papa.

Hier, peut-être plus qu’aujourd’hui, les créateurs avaient besoin de ces liens nocturnes ou ils allaient trouver une autre âme créatrice ou bien un héritier qui leur donnerait les moyens de financer leurs créations.

Je crois que ce phénomène tend à disparaître car les barrières sont de nouveaux très difficiles à franchir. Un peu comme pour l’éducation, et les différences entre une boite à bac parisienne et un lycée de ZEP de banlieues… Les gens issus de milieux sociaux différents n’ont sans doute plus d’endroits pour se croiser comme ce fut le cas au temps du Palace, du Bus Palladium ou de Chez Régine.

Z.P : Quel héritage Régine laisse-t-elle au monde de la nuit et de la musique ?

T.W: Je crois que Régine a incarnée à elle seule le soft-power français de la fête. Le sens inné de recevoir et créer des ambiances particulières ou chacun pense qu’il est plus important que son voisin de sofa et qu’il a une relation privilégiée avec cette reine de la nuit. Une Régine qui ne donnait pas seulement le tempo aux nuits parisiennes mais aussi internationales.

Personne n’aurait pu imaginer qu’une petite dame, un prénom de vieille concierge de Belleville, allait conquérir le monde « interlope » de la nuit.

Avec le départ de Régine, c’est un peu la fin de cette « french touch » de la fête et il m’apparait que personne ne dispose des capacités particulières de cette dame qui était aussi à l’aise dans un bar de Belleville, que dans un sofa de Beverly Hills ou une arrière salle enfumée de club privé de St-Tropez.

Z. P : Et à votre avis, pourquoi le Monde de la Nuit est-il encore autant sous-estimé dans notre culture ?

T. W : Le Monde de la nuit traine un paquet de clichés … et finalement mérite bien ces clichés puisqu’il est souvent superficiel.

Des promesses faites à 5h du matin après trois verres de vodka sont beaucoup moins solides qu’un bon contrat signé par un business affairs pragmatique… Mais ce n’est pas d’un bureau d’un business affairs, aussi sérieux soit-il, que naitra la nouvelle mode ou la dernière création musicale … Mais plus surement de ces nuits où les créateurs s’égarent parfois mais se trouvent souvent.

Z.P : Quel impact a eue la crise sur ce secteur en particulier ?

T.W: Les différentes règlementations successives (sur les horaires, l’alcool, le niveau de décibels) et les voisins grincheux ont un peu précipité la fin des boites parisiennes, et la covid a remis une couche de terre sur le cadavre moribond de ces lieux de « perdition » devenus trop institutionnels.

Il y a d’abord eu la fin de la musique live au profit des dj’s, puis les vues-mètres des sonomètres que l’on ne devait plus quitter des yeux afin de contrôler que la musique était moins forte que le bruit d’un Boeing 777 au décollage… Mais tout le monde a envie de se faire porter par un son aussi fort que celui d’un Boeing… Alors les fêtes ont pris un autre sens et le monde de la nuit a perdu de sa superbe. La crise n’est pas que financière, c’est sans doute aussi un modèle à redessiner.

Z. P : Un grand merci à Thierry Wolf qui a partagé ses pensées avec nous et pour conclure, cette phrase de Jean Marie Perrier qui m’a interpellée lors l’une de mes déambulations quotidiennes sur les réseaux sociaux :

« Le monde de la nuit n’existe plus. Il reste les jours pour le regretter… »

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