D’Auguste Rodin à Duane Hanson, de Georg Baselitz à Michael Armitage, d’Ana Mendieta à Miriam Cahn, de Philip Guston à Marlene Dumas, de David Hammons à Kerry James Marshall, de Kudzanai-Violet Hwami à Mira Schor, d’Arthur Jafa à Deana Lawson — cette dernière investit la Galerie 3 du musée, pour sa première exposition en France —, l’exposition « Corps et âmes » sonde, à travers les œuvres d’une vingtaine d’artistes de la Collection Pinault, la prégnance du corps dans la pensée contemporaine.
À l’image de Ceremony of Us de la chorégraphe américaine Anna Halprin en 1969, pièce conçue après les émeutes raciales aux États-Unis où, pour la première fois, les corps noirs comme les corps blancs dansaient ensemble, ce parcours à travers la Collection Pinault invite le visiteur-spectateur à retrouver à son tour, selon les mots de Jacques Rancière, la « possession de ses énergies vitales intégrales ».
Le parcours de l’exposition s’ancre dans les luttes des années 1960, mouvements pour les droits civiques, féministes et antimilitaristes, à travers les œuvres de Duane Hanson, Philip Guston ou Richard Avedon, et laisse sourdre la colère du monde d’aujourd’hui et les menaces qui pèsent sur l’intégrité des individus, à l’image des immenses corps flottants, âmes errantes engagées dans la danse macabre et sacrée de Georg Baselitz, ou de ceux réunis dans l’installation organique Ritual de Miriam Cahn, où les corps et les âmes aux couleurs incandescentes réveillent la conscience d’une humanité partagée.
Libéré de tout carcan mimétique, le corps, qu’il soit photographié, sculpté, dessiné, filmé ou peint, ne cesse de se réinventer conférant à l’art une organicité essentielle lui permettant de prendre le pouls de l’âme humaine.
Il ne s’agit plus seulement de peindre des corps mais d’incarner les forces qui les traversent, de rendre visible ce qui est enfoui, invisible, d’éclairer les ombres. Celles de l’histoire et notamment celles de l’héritage colonial qui hante les œuvres d’Arthur Jafa ou encore celles de Lynette Yiadom-Boakye…
L’ombre du déracinement, de l’exil, habitent l’œuvre d’Ana Mendieta dont le propre corps questionne la prégnance des mythes originels dans le monde contemporain.
Dans le cadre de l’exposition « Corps et âmes » et du focus consacré à Arthur Jafa, l’artiste libanais Ali Cherri est invité à investir les vitrines du Passage de la Bourse de Commerce.
Articulant sculpture et image filmée, sa pratique explore l’histoire des traumatismes et le déphasage entre mondes anciens et contemporain, croyances et illusion.
Partant de l’idée que le nombre de vitrines — vingt-quatre — correspond au découpage image par image d’une seconde d’un film, Ali Cherri convie le visiteur à tourner autour de la Rotonde, comme à l’intérieur d’un dispositif de proto-cinéma, afin de décomposer une image en vingt-quatre « phases-sculptures ».
Cette exposition promet d’être superbe. Je vous en reparle dès que je l’aurai vue …
INFOS PRATIQUES
« Corps et âmes »
Du 5 mars au 25 août 2025
Pinault Collection à la Bourse de Commerce