Soirée-dédicace à La Place Art et Parfum dimanche dernier.
L’artiste Serge Delisle avait choisi ce bel écrin pour présenter son livre : ET DE MON CŒUR COULE UNE RIVIÈRE DE LARMES SÈCHES.
Un roman écrit à la manière d’une pièce de théâtre, dont je vous reparlerai ultérieurement, l’objet de cet article étant plutôt de vous présenter l’auteur.
Avec la gentillesse qui le caractérise, Serge Delisle a en effet accepté, de me consacrer quelques minutes pour me raconter comment, de sa Guadeloupe natale il se retrouve à La Place Art et Parfum pour cette soirée si chaleureuse au rythme du Gwo Ka.
Z.P: Alors, raconte-nous, est-ce que ce roman est directement lié à ton parcours ou pas du tout?
S.D. Bien sûr, ce livre – qui en réalité est une pièce de théâtre – raconte l’histoire universelle du déracinement. Il n’y a qu’à la fin de sa lecture qu’on comprend s’il me concerne directement ou pas. C’est donc plutôt notre histoire puisque la toile de fond est l’histoire du peuplement de l’île de la Guadeloupe où je suis né.
Z.P : Et tu as grandi là-bas ?
SD : Pas tout à fait. J’ai été rejeté par mon géniteur avant ma naissance. Quant à ma mère, ayant perdu sa mère peu après ma naissance, elle avait quitté la Guadeloupe pour changer de vie et était partie en France.
J’avais un peu plus d’1 an et j’y ai donc vécu avec ma grande Tante jusqu’à l’âge d’environ 5 ans avant de la rejoindre. C’était une sorte de paradis imposé pour un enfant qui était isolé et qui se contentait de peu au niveau affectif ! Moi qui rêvais de la rejoindre pour vivre avec elle, ce fut une grosse déception. Un énorme changement pour moi : le climat, les habitudes et même la langue puisqu’à époque je ne parlais que le créole….
Z.P : Çà devait être plutôt compliqué à l’école, non?
S.D: Au début je ne parlais pas, je restais dans mon coin. Heureusement avec cette capacité d’adaptation incroyable qu’ont souvent les enfants, j’apprends très vite le français et malgré les quolibets racistes des profs et des autres élèves, j’essaie tant bien que mal de m’adapter…sauf que le petit garçon qui au départ ne disait pas un mot (limite autiste) devient comme une éponge qui absorbe le savoir se met à poser plein de questions. Il devient un moulin à paroles, à tel point qu’une maîtresse – un peu sadique sur les bords et ce serait aujourd’hui elle aurait eu les pires ennuis – me colle un bout de sparadrap sur la bouche pendant toute une matinée … quand elle l’arrache à la fin de la journée, mes lèvres sont boursouflées, je tremble de partout et je suis fiévreux … j’ai fait une allergie à la colle et cette partie charnue est brulée au troisième degré. Après une discussion houleuse entre ma mère qui était venue, la directrice et cette institutrice qui reçu une claque de sa part, j’ai reçu ce qu’on appelle la triple peine!
Donc suite à cette claque, on me renvoie de l’école.
Je suis envoyé en pension, d’où je ne sors que tous les 15 jours pour rejoindre ma grande tante qui était elle-aussi venue en Métropole. Ma mère, elle, avait décidé de changer encore de vie et de partir vivre en Allemagne sans moi. Je ne la verrais que tous les 3 mois.
Z.P : La période de l’adolescence est toujours un passage difficile, ça s’est plutôt bien passé pour toi ou pas du tout ?
S.D: Plus ou moins ma foi, car quand je vois la façon dont ont évolué certains de mes amis, je me dis que je suis très chanceux. J’aurais pu mal tourner, mais non je crois que j’étais toujours soutenu par ce que m’avait dit ma grand-mère avant mon départ de la Guadeloupe : « Tu ne connaîtras jamais la faim ! Tu auras toujours un toit et tu verras les enfants de tes enfants »
Et puis dès 6-7 ans j’étais passionné de chansons. Mon plaisir était de changer les paroles des chansons des artistes de l’époque, Claude François …etc et je les chantais avec mes propres paroles (qui n’avaient rien à voir avec les vraies)
Z.P : Parle nous de tes premiers pas en tant qu’artiste…
S.D: J’ai appris à jouer seul des percussions vers l’âge de 18 ans et j’ai accompagné après en tournée un chanteur Africain « Gun Morgan » aussi en tant que choriste, puis je suis rentré dans le groupe « VOODOO Family ». Et finalement monté mon propre groupe dont j’étais le chanteur.
Z. P : On se construit toujours plus ou moins par rapport à quelqu’un, proche ou pas, qui a marqué notre enfance ou notre adolescence, tu as un souvenir de ce type ou pas du tout ?
S.D: Personne… Je regardais les adultes, ceux de mon âge en restant toujours sur mes gardes. Mes héros étaient souvent les acteurs que je voyais dans des films. Féru de géopolitique dès l’âge de 13 ans, je lisais l’histoire des grands hommes qui avaient forgé le monde.
Z.P : Venons-en à ton livre. Je n’en dévoilerai pas l’histoire bien sûr mais tu évoques ta parenté avec la famille de Monaco… raconte nous…
S.D: Mon grand-père était un Blanc Matignon. Les blancs Matignon et surtout les Lebrere, sont issu de la branche « GOUILLON-MATIGNON », qui sont devenus par mariage avec une princesse GRIMALDI, les GOUYON-MATIGNON-GRIMALDI. Dans les années 1400, une partie d’entre eux (Gouillon-Matignon) s’est expatriée en Guadeloupe…
Z.P : Passionnant! Et il faudra se plonger dans ET DE MON COEUR COULE UNE RIVIÈRE DE LARMES DE PIERRE (que personnellement j’ai déjà dévoré!) pour découvrir la suite de l’histoire …
On revient à ton quotidien, tu es artiste à la base, tu as écrit un roman-théâtre, tu as un projet de film, tu n’arrêtes pas… d’ailleurs à quoi ressemble ta journée type ?
S.D: Je travaille plutôt la nuit. Écriture, composition… Je suis aussi photographe, DJ-Animateur, je fais de la vidéo … etc
Z.P : Et en vacances, es-tu du genre à décrocher complètement ou au contraire es-tu connecté à 200%, genre sans wi fi c’est « no way »?
S.D : Sans Wi-Fi c’est «No way!»
Z.P : D’ailleurs pour tes vacances, plutôt Seychelles, San Francisco ou Shanghai?
S.D : Pourquoi pas Sanghai…
Z.P : Si tu devais vivre dans une autre ville que Paris ce serait…
S.D : J’aime beaucoup Kiev
Z.P : Tu gagnes 1000 euros là tout de suite tu fais quoi ?
S.D : Je les mets dans mon film.
Z.P : Et 100 000 euros ?
S.D: Je les mets dans mon film.
(N.D.L.R : On l’aura compris, son film c’est sa motivation numéro 1 actuelle !!!)
Z.P : Quel est d’après toi ta plus grande qualité?
S.D : Aucune idée, il faudrait demander ça à ceux qui me connaissent.
Z.P : Et ton plus vilain défaut ?
S.D: Il faut demander ça à ceux qui me connaissent (rires)
Z.P : Tu rencontres le «Génie de la lampe» qui te propose de réaliser 3 vœux, tu lui demandes…..
S.D: 3 Voeux ? Alors …
Je suis en bonne santé
J’ai un toit
Allez on va dire l’amour, un enfant, et un peu d’argent.
Z.P : Et comment t’imagines-tu dans 10 ans?
S.D: Aucune idée, j’ai appris avec le temps à ne pas parier sur la comète.
Z.P : Une cause qui te tient à coeur?
S.D : Je déteste qu’on martyrise un enfant.
Z.P : Et pour finir le fameux portrait chinois?
S.D : Ok on y va !
Si tu étais un plat ou un dessert ce serait …
S.D: Un dessert, une glace (noisette, nougat)
Un vêtement ?
S.D: Un costume
Une boisson?
S.D: Vodka
Une saison ?
S.D: Le printemps
Une ville ou un continent ?
S.D: L’Europe
Mille mercis Serge de m’avoir consacré un peu de ton temps.
Et maintenant que vous connaissez davantage l’écrivain Serge Delisle, je ne saurais que trop vous inviter à découvrir son livre ET DE MON CŒUR COULE UNE RIVIÈRE DE LARMES SÈCHES.
Vous pouvez le contacter ICI pour vous le procurer directement mais il est également en vente à la FNAC.
Et rendez-vous très vite pour …LE FILM !
Crédits photos : Zenitude Profonde le mag.com
Merci pour cette interview