Le Prix du Livre Nohée 2025 réunit, une fois de plus, l’exigence littéraire et l’attention portée aux dynamiques familiales. Cette sixième édition distingue Sandrine Collette pour son roman Madelaine avant l’aube (JC Lattès, août 2024).

Dans une couronne de voix serrées, l’autrice l’emporte à quatre suffrages contre deux en faveur de Minh Tran Huy pour Ma grand-mère et le Pays de la poésie (Flammarion, janvier 2025), Miguel Bonnefoy et n’obtenant, quant à lui, aucune voix pour Le rêve du jaguar (Rivages, août 2024)
Créé en 2020, le Prix du Livre Nohée décerne chaque année 5 000 euros à une œuvre en langue française, dont les thèmes de la famille et de la transmission résonnent avec les valeurs fondatrices chères à la marque.
Le déroulement de la révélation fortifie l’idée que le regard porté sur la littérature conserve le poids de la solidarité intergénérationnelle.
Le 21 octobre 2025, lors d’une délibération filmée et diffusée sur la chaîne YouTube de Nohée, Brigitte Fossey, présidente du jury, entourée d’Éric Bouhier, Élodie Fondacci, Philippe Grimbert et Pascale Senk, a annoncé la lauréate devant les résidents des 36 résidences Nohée.

Philippe Grimbert, Pascale Senk, Marie Jason (directrice générale adjointe Nohée), Brigitte Fossey,
Florence Batisse-Pichet (secrétaire générale du Prix du Livre Nohée), Elodie Fondacci, Eric Bouhier
Cette diffusion simultanée dans l’ensemble des lieux témoigne d’un engagement collectif où la culture se partage sans friction et devient un moment de vie, de rencontre et d’échange.
À travers le récit de Madelaine avant l’aube, Sandrine Collette propose une immersion au cœur des installations humaines les plus basics et les plus fragiles.
Le roman s’ouvre sur un hameau isolé, un décor de famine et de froid, où deux sœurs jumelles et une vieille femme vivent dans la stabilité ténue d’un quotidien rude. L’arrivée de Madelaine, enfant affamée et sauvage, bouleverse cet équilibre. Adoptée par la communauté, elle insuffle une lumière qui peut, selon les mots qui traversent les délibérations, révéler autant qu’elle ébranle.
Le texte se déploie dans une écriture qui porte la vie avec intensité, sans éluder les zones d’ombre qui traversent les êtres et les paysages.
Les membres du jury ont salué la force du récit et la qualité de la langue.
Brigitte Fossey a évoqué « une métaphore puissante de notre monde contemporain », où le roman s’impose comme une réflexion sur les rapports entre domination et vulnérabilité, entre violence et tendresse. Éric Bouhier a souligné la justesse avec laquelle l’auteure « dépeint avec précision des figures masculines qui ont, à travers l’histoire, la mainmise sur les destinées humaines », tout en offrant une voix féminine forte et indépendante. Élodie Fondacci a reconnu le style comme « merveilleusement écrit, à la fois cru et lumineux », capable de rendre palpable la faim, le froid et l’éprouvante réalité des personnages. Philippe Grimbert a partagé l’impression d’un « coup de cœur absolu », ressentant l’universalité de la quête de chaleur et de fraternité qui transcende les époques. Enfin, Pascale Senk a évoqué « une écriture âpre et indispensable, capable de donner corps à un récit où le froid physicalise les enjeux moraux autant qu’il les révèle. »
Sandrine Collette elle-même a livré une voix qui résonne avec modestie et détermination. Dans ses propos, elle rappelle que la violence de l’existence peut coexister avec l’élan fondamental de solidarité et d’amour qui permet de se lever chaque matin et de persévérer, malgré les épreuves :
« J’ai été très émue que Madelaine avant l’aube, ce roman dur, sombre, sauvage, vous ait touchés. Derrière la violence de l’existence, il y a le message essentiel du livre : si nous continuons à nous lever le matin, c’est parce qu’il reste l’essentiel – un peu d’amour, un peu d’entraide, un peu de solidarité. C’est là que nous trouvons la force d’avancer et, parfois, de nous révolter. C’est là que nous sommes vraiment humains. »
Sa présence à Morvan, et son parcours littéraire – notamment Et toujours les Forêts (Grand Prix RTL-Lire, Prix du Livre France Bleu–PAGE des libraires, Prix de la Closerie des Lilas) et On était des loups (Prix Renaudot des Lycéens et Prix Giono 2022) – inscrivent Madelaine avant l’aube dans une continuité d’anticipation et d’élaboration du lien entre territoire, mémoire et transmission.
À propos de Madelaine avant l’aube, roman lauréat du Prix du Livre Nohée 2025
Le roman, résumé en filigrane, délivre une ode à la résilience humaine et à la puissance des liens familiaux. Deux familles vivant dans l’isolement d’un hameau nommé Montées voient leur quotidien bouleversé par l’arrivée d’un enfant porteur d’un secret et d’un désir d’appartenance. Madelaine devient le noyau autour duquel se rejoue, dans une dynamique de don et de contre-don, l’idée même de la communauté.
La narration, d’une écriture qui peut être à la fois austère et d’une grande clarté, esquisse une traversée initiatique où l’individu se mesure à la nature et, davantage encore, à la possibilité d’un soutien mutuel capable de transcender la violence et l’épreuve.
Le caractère singulier de Madelaine avant l’aube tient moins à l’ombre d’un récit dystopique qu’à la manière avec laquelle Sandrine Collette donne à voir une humanité qui se tient debout malgré les coups du destin.
Le roman explore des thèmes universels – la faim, la peur, l’attente – en les évoquant avec une voix qui privilégie la simplicité sans renoncer à la densité psychologique, et en plaçant l’espoir au centre d’un univers où la solidarité peut faire défaut mais demeure toujours possible.
Famille et transmission : les deux piliers du Prix du Livre Nohée
Ainsi, le Prix du Livre Nohée poursuit son dessein fondamental: mettre en lumière des œuvres qui, par leur thématique centrale. la famille et la transmission, tissent des ponts entre les générations et invitent à réfléchir sur les mécanismes de partage et de responsabilité. L’institution, soutenue par le réseau de résidences qui porte le même nom, s’attache à démontrer que le travail collectif des équipes, des résidents et des familles peut devenir un véritable foyer culturel. Cet esprit de collaboration s’incarne aussi dans le dispositif même du prix: les résidents participent à la sélection des finalistes, un procédé qui mêle expertise et sensibilité populaire.
« Ce prix du livre s’inscrit dans une dynamique chère à Nohée : il se construit avec les équipes, les résidents, leurs familles, mais aussi avec l’environnement des résidences. Nous encourageons les partenariats avec les écoles pour favoriser les échanges entre générations : que les plus jeunes profitent de l’expérience des aînés, et que ces derniers retrouvent, au contact de la jeunesse, curiosité et insouciance. Ces moments de partage nourrissent une vraie transmission, celle-là même qui est au cœur du thème du prix. » Marie Jason, directrice générale adjointe Nohée
Pour les lecteurs et lectrices, l’obtention du Prix du Livre Nohée par Madelaine avant l’aube ouvre une porte sur des perspectives essentielles: celles de rencontres intergénérationnelles, de dialogues entre villes et campagnes, et de la réaffirmation que les liens familiaux n’ont pas uniquement un passé, mais aussi une capacité de renouvellement dans le présent. Au-delà du roman, l’engagement de Nohée rappelle que la culture peut se vivre comme un acte concret de transmission et de partage.
Sandrine Collette signe, avec Madelaine avant l’aube, une œuvre qui conjugue rigueur stylistique et émotion soutenue, et qui, par son regard tenace sur la condition humaine, s’inscrit durablement dans l’écho des valeurs de transmission que porte le Prix du Livre Nohée. Que ce roman continue d’inspirer les lecteurs et de nourrir les conversations autour de la famille, de l’entraide et de la dignité qui naît lorsque les individus choisissent de se mobiliser les uns pour les autres.
Le regard des résidents…
Chantal Lacourte (77 ans), résidente Nohée Limoges et ambassadrice du Prix du Livre Nohée 2025, qui a défendu Madelaine avant l’aube nous explique :
« C’est l’histoire de deux familles qui vivent dans un hameau perdu, confrontées à la famine et au froid. Et puis arrive Madelaine, une fillette affamée et sauvage, qui bouleverse tout. C’est un roman sombre mais porté par une écriture solaire. (…) J’ai été extrêmement émue par les conditions de vie de ces personnages ; j’aurais voulu les accueillir chez moi, leur donner à manger et un peu de chaleur. »
Quelques propos du jury lors de la délibération:
« Ce roman m’a bouleversée par sa force primitive : on y ressent la lutte de l’homme avec la terre, cette matière vivante et rebelle. Comme la terre qu’on peine à féconder, le cœur de l’héroïne demeure fermé… un symbole poignant de notre époque traversée par tant de violence et de manque d’amour. »
Brigitte Fossey, Comédienne et Présidente du Jury du Prix du livre Nohée
« J’y ai vu une métaphore très forte de notre monde d’aujourd’hui. Le roman porte une charge féroce contre certains hommes, ces “seigneurs” d’hier et d’aujourd’hui, que Sandrine Collette dépeint avec une justesse saisissante. » Éric Bouhier
« J’ai trouvé le style absolument merveilleux. C’est un conte cruel, dur parfois, mais qui nous rappelle à quel point la faim, le froid et la vulnérabilité restent universels. J’ai été profondément touchée. » Élodie Fondacci
« Un coup de cœur absolu ! C’est le livre qui m’a le plus marqué cette année : intemporel, d’une force d’écriture incroyable, et porté par un portrait de femme sauvage et sublime. » Philippe Grimbert
« J’ai ressenti physiquement le froid en lisant ce livre. J’ai aimé cette écriture âpre, presque ascétique, qui m’a comblée. En revanche, les personnages, notamment les jumelles, m’ont semblé plus lointains ; ils ne m’ont pas vraiment touchée, contrairement à d’autres récits comme La Route de Cormac McCarthy. » Pascale Senk
© crédits photos Olivier Culmann