Je me rends compte que je ne vous ai pas encore présenté cette pièce que j’ai vue à l’Essaion à Paris et qui sera au Festival Off.
Pitchi poï, en yiddish פיטשי פוי, est un idiomatisme de la langue des Ashkénazes qui désigne une campagne perdue. Il est employé depuis le début de la Shoah pour nommer les camps d’extermination nazis (Source Wikipedia)
Ce néologisme est apparu parmi les enfants dans le camp de Drancy. Jean-Claude Moscovici était l’un de ces enfants . Il raconte son histoire dans son livre « Voyage à Pitchipoï ».
» Pitchipoï« , c’est aussi un film de Charles Najman qui sortira en salle le 4 février 2015.
Quand les juifs regardaient partir les trains et demandaient aux gardes où ils allaient, ces derniers leur répondaient juste : « à Pitchipoï »
La pièce Pitchipoï, adaptée du livre de Ruth Klüger Refus de témoigner, raconte l’histoire d’une petite fille juive née en 1931, vivant à Vienne avec sa mère. Son père, gynécologue, accusé d’avoir fait avorter une femme non juive, a dû fuir pour se réfugier en France d’où il sera déporté. Peu de temps après c’est leur tour…
J’ai déjà eu l’occasion de vous présenter le réalisateur et metteur en scène Jacky Katu que j’avais déjà rencontré au théâtre de la Contrescarpe pour une précédente adaptation du livre de Ruth Klüger. Je l’avais également croisé, quelques années auparavant, lors de la projection en avant première de son film Do me love.
Jacky Katu, une carrière pas banale.
Après avoir travaillé pendant 15 ans comme chercheur en anthropologie au CNRS, Jacky Katu décide – du jour au lendemain – de devenir metteur en scène de théâtre et réalisateur de cinéma.
Je ne reviendrai pas sur cette carrière pourtant fort intéressante, mais que j’ai déjà évoquée ici.
La comédienne Fabienne BABE (Le coeur des hommes, Fais-moi rêver, J’ai vu tuer Ben Barka…) incarne cette petite fille, plongée dans l’horreur et dans une incompréhension totale. de la raison (y en avait-il vraiment une ?) de cette situation atroce ?
Incompréhension, certes, mais surtout terreur permanente.
Depuis cet épisode douloureux dans cette salle de cinéma où elle se fait humilier parce que les cinémas sont interdits aux « gens comme elle », puis le trajet dans ces wagons où traités comme du bétail les gens perdent petit à petit toute humanité et enfin jusqu’à se retrouver dans cette file, parmi ces femmes nues, où elle doit mentir sur son âge sans bien comprendre pourquoi et avec toujours la peur au ventre…
« On ne va pas mourir! Je ne veux pas mourir maintenant! »
Tout comme le livre de Ruth Klüger, cette pièce est un symbole d’espoir. Cet espoir qui ne la quittera jamais et qui l’aidera à tenir, à supporter l’insoutenable. À refuser la proposition de sa mère qui, au comble du désespoir, lui propose de se jeter avec elle sur les barbelés électrifiés pour en finir une fois pour toutes.
Musique et vidéos
Extraits de scènes témoignant de ces épisodes dramatiques projetés sur les murs de pierre de l’Essaion et musique rythmant la pièce scandent inexorablement les étapes de cette descente aux enfers. Autant d’éléments qui accentuent le malaise d’être témoin impuissant de … tout ça!
L’horreur du cri …muet.
Symbole de terreur et d’angoisse tel celui de Munch auquel on ne peut s’empêcher de penser…
Et puis, on se rend compte que, contre toute attente, c’est fini et qu’on a survécu …
Cela arrive tout aussi brutalement que les rafles, sans crier gare. Et c’est évidemment plutôt difficile à croire. On continue à avoir peur. Cette libération est pourtant bien réelle. Sauf que, avec le recul, nous savons tous aujourd’hui que les séquelles de ce passage en enfer seront gravées à vie, tout comme ces numéros sur le poignet de ceux qui sont revenus des camps de la mort.
Une pièce sombre – comme le sont toutes celles qui évoquent la Shoah – mais serait-il envisageable de se voiler la face et de prétendre qu’on ne savait pas ?
Infos pratiques