«Vous n’êtes pas humain, vous êtres une colonie de bactéries en marche »
Jeroen Raes (Leuven Center for Microbiology)
Phrase-choc mais très explicite de Jeroen Raes, l’un des intervenants de la conférence scientifique à laquelle nous étions conviés au Palais du Trocadéro.
Une conférence qui – à l’initiative du groupe de Recherche et d’Innovation de l’Oréal – avait pour thème LE MICROBIOME CUTANÉ.
L’éclairage donné par les scientifiques a permis de retrouver certaines notions oubliées depuis les cours de biologie remontant à un – trop – grand nombre d’années. Et aussi d’en acquérir de nouvelles bien sûr!
Commençons par définir ce qu’est le Microbiome cutané.
Le microbiome cutané – qui fait partie intégrante de la surface de la peau – est un écosystème composé de microorganismes vivants. Cette microflore, qu’on appelle aussi microbiote, forme une carte d’identité aussi unique que notre ADN.
Des milliards de bactéries, de virus et de champignons cohabitent donc – plus ou moins pacifiquement – à la surface de notre corps.
L’équilibre de ce microbiote spécifique à chaque individu est essentiel à la santé de notre peau.
- Quels sont les facteurs qui régissent la constitution du microbiome cutané?
Ce sont l’alimentation, la pollution, les personnes avec qui nous vivons, l’origine ethnique, la prise d’antibiotiques ou l’exposition aux UV qui influent sur l’équilibre de cet écosystème.
- Est-ce que le microfilme est héréditaire?
Pas totalement mais cette microflore est transmise au nouveau-né dès la naissance par le contact de la peau à l’air libre et s’enrichit au fil des semaines, variant selon les caractéristiques de température, de pH, d’humidité ou de concentration en sébum des différentes zones de la peau (cuir chevelu, membres ou pieds).
Garde-t-on le même microbiome toute sa vie ?
Le microbiome évolue à chaque grand changement hormonal de la vie : à la naissance, à l’adolescence et à la ménopause/ l’andropause.
Les récentes découvertes sur le microbiome de la peau bouleversent la cosmétique de demain et ouvrent de nouvelles perspectives de recherches et de thérapies en cosmétique et en dermatologie.
LE MICROBIOME EN CHIFFRES
10 000 milliards de micro-organismes au total dans notre corps
100 milliards à la surface de notre peau soit 1 Million par cm2
Essentiellement des bactéries (75-80%) (Jusqu’à 1 000 espèces différentes)
132 nouveaux microorganismes identifiés par la R&I L’Oréal dans ses derniers travaux
(130 nouveaux phages et 2 sous espèces de propionibacterium)
La conférence a commencé par l’intervention de Pascale Mora, Directrice de la Communication Scientifique chez L’Oréal depuis décembre 2017
Puis ce fut le tour de Luc AGUILAR qui dirige aujourd’hui les groupes de recherche biologique et clinique dédiés au microbiome et à l’Exposome de la peau.
Biologiste moléculaire de formation, Luc AGUILAR cumule plus de 20 ans d’expérience dans l’industrie biotechnologique, pharmaceutique et cosmétique. Il a rejoint le groupe L’Oréal il y a huit ans pour créer le département de biotechnologie en recherche avancée.
Ensuite c’est Marla Tuffin-Trindade, Directrice de l’IMBM (Institute of Microbial Biotechnology & Metagenomics) qui est intervenue.
Le Professeur Marla Trindade a obtenu son Doctorat en Microbiologie en 2003 à l’Université de western Cape (UCT) en s’intéressant au métabolisme desBi dobactéries.
Elle a poursuivi ses recherches post-Doctorales pendant 2 ans dans le laboratoire de Doug Rawlings à l’Université de Stellenbosh, puis au centre de Recherche Avancée de Microbiologie appliquée Don Cowan à L’Université du Cap Occidental. En 2009, ce centre spécialisé dans les biotechnologies, le microbiome et la métagénomique, a été élevé au titre d’Institut de Recherche, IMBM (The Institute for Microbial Biotechnology and Metagenomics). Le Professeur Marla Trindade en a été nommée Directrice adjointe, puis en 2012, Directrice Générale. Marla a récemment lancé la plate-forme de Génomique Cellulaire, une première plate- forme de service unique en son genre en Afrique.
Les recherches du Pr. Marla Trindade se concentrent sur l’étude des différentes écologies microbiennes en s’inspirant des organismes présents dans les environnements« extrêmes » et de l’énorme biodiversité microbienne présente en Afrique du Sud.
Son objectif : développer de nouvelles biotechnologies à partir des bactéries et de leurs virus associés. Leurs applications concernent des domaines très variés comme la pharmacie, la cosmétique, l’alimentaire, l’agriculture ou les process industriels.
Parmi ses nombreux projets de recherche, on peut retenir la recherche de nouveaux médicaments issus du milieu marin, le développement de méthodes de screening génomiques de pointe et leurs utilisations pour comprendre et sélectionner des microorganismes d’intérêt pour l’homme.
En 2014, L’Oréal R&I et l’IMBM ont décidé d’unir leurs expertises pour caractériser une population spécifique du microbiome de la peau, les phages.
Cette collaboration a abouti à la caractérisation de 130 nouveaux phages à la surface de la peau, et à la publication de ces résultats dans la prestigieuse revue Scientific Reports en 2018.
Est également intervenue, Cécile Clavaud – Responsable de projets sur le microbiome cutané L’Oréal R&I
Cécile CLAVAUD est ingénieure chimiste de l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Mulhouse, docteur en biochimie, diplômée de l’Université Paris XI/ CEA (Saclay, 2002-2006). Après cinq années de recherche en mycologie médicale sur le champignon Aspergillus fumigatus, responsable de maladie nosocomiales, à l’Institut Pasteur (Paris) (2006-2011), Cécile Clavaud a rejoint la recherche L’Oréal pour travailler sur le microbiome du cuir chevelu en lien avec les pellicules.
Pendant six ans (2011-2017), son principal domaine d’expertise a été le profilage du microbiome de la peau et du cuir chevelu (champignons, virus et bactéries) sur différents types de peaux afin d’identifier les espèces clés qui y sont associés. Pour ce faire, Cécile Clavaud a conduit des partenariats avec les meilleurs chercheurs académiques dans différents pays (Chine, Etats Unis, Afrique du Sud, Brésil, Japon…).
Depuis 2018, Cécile Clavaud s’intéresse plus particulièrement aux interactions entre le microbiome et la peau grâce à des modèles de peau artificielle, pour mieux comprendre comment cette flore commensale peut impacter la qualité de la peau.
Sophie Séité , Docteur ès Sciences
Directrice Scientifique Internationale La Roche-Posay
Après avoir étudié la Biochimie et la Biologie Moléculaire et avoir obtenu sondoctorat en 1989 à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI), Sophie Séité est partie une année au «Centre International de Recherche Dermatologique»(CIRD) à Sophia-Antipolis, où elle a étudié l’expression des récepteurs des rétinoïdes par hybridation in situ. En 2005, Sophie a rejoint la marque La Roche-Posay et mené pendant 6 ans, avec son équipe, les études cliniquesde tolérance et d’efficacité réalisées au niveau international sur les produits de cette marque.
Elle a ensuite rejoint le groupe de Pharmacologie et de Photobiologie des Laboratoires de Recherche de L’Oréal à Aulnay sous-Bois puis à Clichy.
Pendant 20 ans, Sophie a étudié les effets cliniques, histologiques et biophysiques des expositions aiguës ou chroniques aux rayonnements ultraviolets et évalué l’innocuité et l’efficacité de nouvelles molécules et de produits finis, principalement dans les domaines de la photoprotection, du vieillissement et du photovieillissement.
Mais finalement, à quoi sert le microbiote cutané ?
Il assure plusieurs fonctions indispensables à la santé : nourrir les microorganismes qui éduquent notre système immunitaire, reconnaître les organismes étrangers et protéger notre corps d’une invasion par des agents pathogènes.
La peau est à la fois le plus grand organe du corps en contact avec l’extérieur et la plus grande interface avec l’intérieur du corps.
C’est pourquoi elle est dotée de mécanismes physiologiques qui en font une véritable barrière protectrice.
Sa microflore assure plusieurs fonctions indispensables à la santé : nourrir les microorganismes qui éduquent notre système immunitaire à reconnaître les organismes étrangers et protéger notre corps d’une invasion par des agents pathogènes.
Elle produit des vitamines essentielles et des enzymes nécessaires à la digestion, elle synthétise des molécules anti-inflammatoires.
Cette microflore connaît une évolution en trois grandes étapes qui correspondent aux âges de la vie, liés aux changements hormonaux : naissance, puberté et ménopause / andropause.
Comment ont commencé les recherches sur le microbiote ?
L’étude de l’ensemble du microbiote, aussi appelée microbiome, a permis de commencer à comprendre les changements de l’écosystème cutané associés à des désordres, mais aussi d’anticiper ce qui est encore invisible à l’œil.
Jusque dans les années 1990, dans les conditions standard de culture en laboratoire, les microbiologistes ne pouvaient détecter que moins de 1% de la flore bactérienne : ce faible pourcentage ne reflétait pas la réalité de l’ensemble de la flore puisque la croissance plus rapide de certaines espèces masquait la présence des plus lentes.
L’étude du microbiome humain a véritablement commencé en 2007 aux Etats-Unis lorsque le National Institute of Health a lancé le Human Microbiome Project.
Ce projet ambitieux consistait à séquencer le génome de tous les microorganismes vivant habituellement à l’intérieur et à la surface de notre corps pour comprendre leur influence et leur rôle sur la santé humaine.
L’étude a démarré par la cartographie de l’ensemble des sous-populations bactériennes hébergées dans toutes les zones du corps et en lien avec des pathologies, des désordres cutanés comme la dermatite atopique, ou le psoriasis.
On a ainsi mis en évidence une singularité intéressante : on compte entre 500 et 1000 espèces de microorganismes différentes sur la peau contre 5000 à 10 000 pour l’appareil digestif.
Ces approches génomiques ont ainsi révélé une diversité bien plus importante que de simples cultures bactériennes.
Caractériser le microbiome de la peau, c’est-à-dire identifier l’ensemble des génomes des micro-organismes qui colonisent une région précise de la peau revient à déterminer la signature microbiologique de la peau.
C’est essentiel, à la fois pour comprendre comment la perturbation de cet l’écosystème peut entraîner des désordres et comment préserver son équilibre.
Le microbiome humain est devenu un immense terrain de recherche et de développement pour les industries agro-alimentaires, pharmaceutiques, biotechnologiques, dermatologiques et cosmétiques.
Sachant que l’Oréal s’appuie sur l’excellence de sa Recherche & Innovation (505 brevets déposés l’an dernier) et ses 3 993 chercheurs pour répondre à toutes les aspirations de beauté dans le monde,
À travers son programme « Sharing Beauty With All » L’Oréal a pris des engagements ambitieux en matière de développement durable tout au long de sa chaîne de valeur, à horizon 2020.
Notre peau serait donc un écosystème qui doit garder un équilibre précis et vivre en bonne intelligence avec le corps.
De plus en plus de biologistes considèrent effectivement que l’homme appartient à un écosystème complexe composé de milliards d’espèces microbiennes qui résident sur la peau, le nez, la bouche, les poumons, les intestins, c’est-à-dire toutes les parties en contact avec l’extérieur.
La peau est naturellement recouverte de milliards de microorganismes. C’est une couche active qui vit en bonne intelligence avec le corps tout au long de la vie. Cette microflore, qu’on appelle aussi microbiote, forme une carte d’identité aussi unique que notre ADN.
De «qui» est composée cette microflore cutanée ?
Ces microorganismes sont des bactéries, des champignons, des virus.Ils vivent en communautés qui, soit collaborent, soit sont en compétition.
Leur équilibre est garant de notre santé et de notre bien-être. On compte environ un million de bactéries par cm2 de peau.
A ce jour, plus de 500 espèces bactériennes ont été identifiées sur les peaux saines, qui peuvent exprimer plus de 2 millions de gènes. La composition de cette microflore varie à la fois selon le pH, la température, l’humidité, la salinité ou la concentration en sébum de la zone du corps considérée mais aussi en fonction de l’âge, du sexe et de multiples paramètres externes comme l’alimentation ou l’environnement.
Aujourd’hui on sait faire la différence entre la microflore d’une personne jeune et d’une personne âgée car cette signature se modifie au fil des événements de la vie.
Ainsi, le microbiote d’un citadin possède une signature microbiologique bien différente de celle d’un rural : il présente les caractéristiques liées à ses expositions comme les UV ou la pollution, qui entraînent l’apparition de taches et de signes d’un vieillissement précoce de la peau.
Chez L’Oréal les chercheurs explorent ce domaine depuis 10 ans.
L’Oréal a établi des collaborations avec des équipes scientifiques renommées (Institut Pasteur à Paris et à Shanghai, New York University, Karolinska Institutet à Stockholm, Max Planck Institut à Tübingen… etc) pour caractériser le microbiome des peaux saines, des peaux grasses, du scalp (pelliculaire ou non), et pour comprendre les interactions établies entre les microorganismes et leur hôte, dans des conditions normales ou de perturbations physiologiques.
ET ENSUITE? QUELLES PERSPECTIVES?
Le futur verra le développement de nouvelles approches diagnostiques basées sur la caractérisation du microbiome et de nouveaux régimes nutritionnels et stratégies thérapeutiques pour corriger les déséquilibres.
L’équilibre et la diversité des microbiomes seront régulièrement contrôlés grâce à des tests diagnostiques. Et demain les traitements seront personnalisés.
La prochaine étape sera de pouvoir utiliser l’arsenal vivant du microbiome pour corriger les signes de l’âge, mieux prévenir les changements de notre peau et mieux traiter les désordres : corriger les taches et les irrégularités du teint, prévenir leur apparition.
Différentes stratégies sont à l’étude, comme l’utilisation de bactériophages, des virus qui suppriment de façon très sélective les bactéries nuisibles, ou encore l’usage de pré biotiques, des molécules capables de modifier l’écosystème bactérien en favorisant la croissance de certaines espèces cutanées.
Enfin, grâce à des outils connectés en cours de finalisation, on pourra aussi procéder à un diagnostic quotidien, détecter en quelques minutes les changements du microbiome associés aux désordres de la peau et du cheveu, et déterminer par exemple quand utiliser un shampoing antipelliculaire avant même l’arrivée de cette desquamation disgracieuse.
Et ainsi prévenir les récidives de l’acné, de l’eczéma voire éviter le recours aux antibiotiques.
Face aux multiples pouvoirs du microbiome cutané, la conviction de L’Oréal est que ce nouveau domaine de recherche ouvre un champ infini de possibilités pour améliorer l’état de notre peau ou de notre cuir chevelu.
Il ne s’agit plus de s’intéresser uniquement aux cellules de la peau mais à l’ensemble de l’écosystème microbiome cutané pour apporter de nouvelles performances.
«Nous ne considérons pas le microbiome simplement comme un monde complexe vivant à la surface de notre peau et qu’il faut respecter mais également comme un véritable allié pour apporter demain des solutions nouvelles à la cosmétique classique». Recherche et innovation L’Oréal
Après la conférence, deux ateliers étaient prévus pour échanger sur le sujet.
Le premier traitait du microbiome du cuir chevelu. Mené par Delphine KEROB directrice Médicale chez VICHY qui nous a tout dévoilé sur la gamme antipelliculaire DERCOS.
L’autre, mené par Sophie SEITE, directrice scientifique chez LA ROCHE POSAY concernant les désordres inflammatoires.
Mille mercis à l’équipe de l’Oréal Recherche et Innovation pour cette super après midi de découverte scientifique.
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