La Maladie de la Famille M est une pièce qui aborde des thèmes difficiles…
La maladie, la mort, la vieillesse et son cortège de dégénérescences, les relations familiales complexes…
Mais elle le fait avec une sensibilité et une justesse qui touchent en plein cœur. Les dialogues sont percutants, les silences sont lourds de sens, et les émotions sont palpables.
(Ce n’est d’ailleurs pas la première fois – et je pense pas la dernière non plus – que je vois cette pièce que je vous avais présentée ICI il y a quelques années)
Cette redécouverte au Studio Hébertot m’a confortée dans ma première impression : la pièce de Fausto Paravidino fait partie des incontournables !
Le pitch: Dans la famille M, chacun tente de faire face à ses problèmes… et aussi de vivre avec ceux des autres, ce qui n’est pas rien !
Dans la famille M , il y a :
Le père, Luigi, il est malade mais on ne sait pas très bien ce qu’il a.
Luigi essaie quand même de garder le cap – et y parvient tant bien que mal – en dépit des dégradations dues à son grand âge.
Marta, la fille aînée, a endossé toutes les responsabilités familiales depuis la mort – sur laquelle plane un mystère – de la mère.
Marta s’en tire comme elle peut et rêve… d’une autre vie.
Sa soeur, Maria, une très jeune femme totalement immature ne sait plus très bien où elle en est.
Et ce d’autant moins que Fabrizio, le meilleur pote de son amoureux Fulvio, vient lui conter fleurette …
Et puis il y a Gianni.
Et il semblerait que tout ce qu’il pourrait y avoir comme insouciance dans cette famille s’est condensé en un seul personnage, celui de Gianni. C’est le benjamin de la famille. Lui, il refuse de laisser les problèmes lui encombrer l’esprit (et donc de grandir! ).
Et pour finir, il y a le Médecin.
Lui, il raconte. C’est un peu tout ce qu’il peut faire, vu qu’il ne peut pas oublier.
Magistralement interprétée par les comédiens du Collectif Nuit Orange la pièce est mise en scène par Marie Benati.
La talentueuse comédienne donne vie de façon remarquable à cette histoire poignante et touchante.
Marie Benati – qui joue également dans la pièce – prend la lumière avec une intensité incroyable.
Elle interprète – avec une justesse et un jeu de scène extraordinaires – le rôle de Marta.
Marta c’est cette soeur aînée « sacrifiée consentante » qui tente de maintenir l’équilibre fragile de cette famille .
Dans une interview Marie Benatti explique pourquoi elle a fait le choix d’être aussi sur scène :
« Initialement, je suis comédienne. Je ne suis pas formée à la mise en scène. Dans le tout premier projet que j’ai mis en scène, j’y avais un rôle mineur, c’était donc complètement viable. J’ai ensuite expérimenté la co-mise en scène, sur Le Misanthrope. Pour La Maladie de la Famille M., j’ai longuement hésité. J’avais à la fois envie de m’extraire et tellement envie de partager le plateau avec ces personnes. C’était un grand sacrifice pour moi de ne pas le faire. Les pièces qui me parlent, que j’ai envie de mettre en scène, sont celles dans lesquelles je me projette également en tant qu’actrice. Cette pièce parle d’un microcosme, c’était donc évident : il fallait absolument que je sois au plateau avec elles·eux, que l’on soit tous·tes les un·e·s sur les autres. Pour que l’on sache de quoi on parle.(…) Marie Benati
J’aime bien cette approche…
Mais tous les autres comédiens sont eux aussi excellents.
Chacun, à sa manière, parvient à apporter sa propre touche à la pièce, créant ainsi une alchimie parfaite entre tous les personnages.
Prenons Gaspard Baumhauer, le médecin de famille. Celui qui nous raconte cette histoire…
Observateur pseudo objectif, il se veut détaché du cours de l’histoire mais ce n’est pas tout à fait le cas … Quoiqu’il en soit, on prend plaisir à retrouver ce narrateur omniscient qui nous dévoile des éléments cachés de l’histoire, au moment où l’on s’y attend le moins…
Guillaume Villiers-Moriamé incarne Gianni.
Rôle qu’il interprète brillamment avec toute l’insouciance et le lot de certitudes caractéristiques des – très – jeunes adultes, à peine sortis de l’adolescence, qui pensent que tout se résout facilement et « qu’il suffit de … »
Gianni traverse donc la vie – et la pièce – en filmant tout le monde… tout le temps !
Sympa, mignon, gentil et surtout très attaché à sa famille sous ses airs de rebelle …un rôle sur mesure pour Guillaume Villiers-Moriamé.
Et puis il y a Maria, l’autre fille de Luigi.
Fragile, peut-être un peu plus paumée que les autres, indécise, avec une sensibilité à fleur de peau…
Elle ne sait pas trop où elle en est, ni à qui se donner… On dirait un bouton de rose qui ne demande qu’à éclore… mais qui n’y parvient pas ! Et on a tellement envie de l’aider à s’épanouir!
Léna Allibert, la jeune comédienne qui l’incarne, tout en fragilité, est excellente.
Cette fragilité justement, a conquis le cœur de Fabrizio (Taddéo Ravassard) qui voudrait bien rendre Maria heureuse…
Mais l’ennui c’est que Fabrizio est le meilleur pote de Fulvio (Alex Dey)…
…ce dernier étant lui-même « l’amoureux officiel « de Maria…
Évidemment, côté talent, François Clavier (Luigi), qui est aussi professeur de théâtre, n’est pas en reste.
Il n’a pourtant pas un rôle facile !
François Clavier incarne avec brio ce patriarche qui commence à perdre pied… et qui voudrait garder la main … et son autorité !Et finalement, en dépit de tout ce qui lui arrive, il parvient à se faire respecter.
La scénographie (signée Pierre Mengelle et Édouard Dossetto), est également remarquable.
Le décor est simple mais totalement révélateur et parfaitement en adéquation avec tout le reste.
Un intérieur plutôt modeste, un salon/salle à manger où se passent la majeure partie des scènes. Télévision et téléphone y trônent en bonne place et contribuent à situer la pièce dans le temps.
La chambre de Maria et Gianni, qui les a probablement vus grandir, leur sert de refuge quand ils veulent s’isoler (ou tout simplement dormir).
Et s’il fallait résumer en un seul mot tout ce qu’inspire ce décor, je crois que ce serait « promiscuité » .
La création lumière, (Alex Dey et Anaïs Ansart-Grosjean), ainsi que la création sonore (Nicolas Laurençot, Yvan Lebossé et Louis Jeffroy), apportent une dimension supplémentaire à la pièce, accentuant l’émotion ressentie par le public.
Mon avis : Une pièce à la fois émouvante, captivante, portée par des comédiens exceptionnels et une mise en scène remarquable.
Cette adaptation de la Maladie de la Famille M de Fausto Paravidino est à mon avis, une expérience théâtrale forte en émotions qu’il serait dommage de louper.
Le spectacle a reçu le Grand Prix du Jury Professionnel au Festival de Nanterre-sur-Scène 2021.
LA MALADIE DE LA FAMILLE M est actuellement jouée – les dimanches et lundis – au Studio Hébertot à Paris.
Réservez vite vos places pour aller découvrir cette pièce … que vous n’oublierez pas de sitôt .
INFOS PRATIQUES
La Maladie de la Famille M
De Fausto Paravidino
Adapté par Caroline Michel
Mis en scène par Marie Benati
Avec Léna Allibert, Gaspard Baumhauer, Marie Benati (en alternance), Daniel Berlioux (en alternance), François Clavier (en alternance), Alex Dey (en alternance), Yoachim Fournier-Benzaquen (en alternance), Bérénice Olivares (en alternance), Taddéo Ravassard et Guillaume Villiers-Moriamé
Scénographie : Pierre Mengelle et Édouard Dossetto
Création lumière : Alex Dey et Anaïs Ansart-Grosjean
Création sonore : Nicolas Laurençot, Yvan Lebossé et Louis Jeffroy
Du 23 avril au 13 juin 2023
le dimanche à 19h et le lundi à 21h
Studio Hebertot
78 Bd des Batignolles – 75017 Paris