Sortie Cinéma : La Femme du Fossoyeur de Khadar Ayderus Ahmed

la femme du fossoyeur -zenitudeprofondelemag.com

Un film bouleversant !

Synopsis

Guled et Nasra sont un couple amoureux, vivant dans les quartiers pauvres de Djibouti avec leur fils Mahad. Cependant, l’équilibre de leur famille est menacé : Nasra souffre d’une grave maladie rénale et doit se faire opérer d’urgence. L’opération coûte 5000 $. Guled qui trime déjà comme fossoyeur pour joindre les deux bouts va tenter par tous les moyens de réunir l’argent pour sauver Nasra et garder une famille unie.

Un quotidien sordide…

L’histoire en soi est triste, Guled, Nasra et Mahad vivent dans une extrême pauvreté à laquelle vient s’ajouter un drame: la maladie de Nasra.

Mais ce quotidien est transfiguré par la noblesse des sentiments qui parviendraient à pousser Guled à soulever des montagnes!

L’amour de ce couple, la force qui en découle sont si émouvants !

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La beauté de ce film réside essentiellement dans le contraste entre la situation d’extrême pauvreté de cette famille et la grandeur des sentiments dont ils font preuve. Et ça, les comédiens parviennent à l’incarner de façon magistrale. Et la beauté du film repose justement sur ces sentiments vrais et profonds qui les animent.

Outre Omar Abdi (Guled prêt à tout tenter pour sauver sa femme), et Yasmin Warsame (Nasra qui essaie de donner le change en montrant le moins possible sa douleur à sa famille), j’ai beaucoup apprécié la sincérité du jeu de Kader Abdoul-Aziz Ibrahim (qui joue le rôle de leur fils Mahad). Originaire de Djibouti, Kader Abdoul-Aziz Ibrahim a été choisi pour le rôle parmi un grand nombre d’adolescents locaux. C’était donc la première fois qu’il se retrouvait devant une caméra. Il s’en sort très très bien !

Deux comédiens extraordinaires !

Qu’il s’agisse des rôles principaux ou de ceux qui ont un rôle secondaire, tous les comédiens de ce film sont excellents mais les deux rôles principaux sont tenus par des comédiens qu’il faudra suivre!

GULED

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Le Finlandais Omar Abdi joue le rôle de Guled, le fossoyeur, époux de Nasra et père de leur fils adolescent Mahad. Abdi a déjà joué dans le court métrage primé de Juho Kuosmanen, Citizens, écrit par Khadar Ayderus Ahmed. Outre son travail d’acteur, Abdi travaille comme animateur jeunesse à Helsinki.

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La Canadienne Yasmin Warsame interprète Nasra.

Mannequin d’envergure internationale, c’est son premier rôle en tant qu’actrice. Mannequin d’envergure internationale, elle est également connue pour son travail humanitaire en Somalie et dans les régions avoisinantes, notamment dans l’aide aux migrants.

Yasmin Warsame confiait à France Info Afrique en juillet dernier : « Je dois encore me pincer pour réaliser que je suis une actrice. C’est incroyable ! Tout cela me ravit. Début 2019, Khadar (Ahmed) m’a contactée et j’ai lu le scénario. Je suis littéralement tombée amoureuse du personnage de Nasra. Je la connaissais, elle m’était familière. C’est une femme somali (communauté que l’on retrouve en Somalie, à Djibouti et en Ethiopie, NDLR), je suis une femme somali. Je connais des mères, des voisins et des gens qui ont des histoires similaires et qui possèdent cette force intérieure. Une force que l’on retrouve souvent chez les Africaines. Quel que soit le problème auquel elles sont confrontées, elles ont toujours cette force intérieure qui leur permet d’avancer. Nous l’avons toutes. Je voulais mettre cela en lumière et voir si je pouvais aller la chercher puisque c’était quelque chose qui m’était accessible, compte tenu de mon parcours. Cela m’a aidée mais j’ai aussi eu beaucoup de doutes. Entre autres, parce que je viens du monde du mannequinat. On y dit que les mannequins font de très horribles actrices. J’espère que ce n’est pas vrai (rires) ! Dans le mannequinat, il s’agit de paraître belle par-dessus tout et de cacher la personne vulnérable qui est en vous. Jouer la comédie, c’est tout le contraire et je l’ai appris très vite. La comédie, c’est la vulnérabilité totale et personne ne se préoccupe de votre apparence. Je ne m’en préoccupais pas non plus parce qu’il s’agissait surtout d’explorer les sentiments de Nasra… »

Entretien avec Khadar Ayderus Ahmed, réalisateur du film.

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Khadar Ayderus Ahmed

Comment avez-vous eu l’idée de l’histoire de La femme du fossoyeur ?

Cette histoire s’inspire d’un événement réel qui s’est produit il y a environ dix ans, lorsque le bébé de mon frère est mort. C’était le premier décès dans la famille après notre déménagement d’Afrique en Finlande, j’avais 16 ans. Je suis né en Somalie et quand la guerre civile a commencé, nous avons déménagé en Éthiopie, le pays d’origine de ma mère. Le rituel d’enterrement en Finlande était nouveau pour nous. Il fallait une semaine pour organiser les funérailles, appeler l’imam, appeler les autorités et traiter avec l’hôpital. Ce n’était pas facile. Mon frère aîné m’a dit : Sais-tu combien il est facile d’enterrer quelqu’un en Somalie et en Éthiopie ? Il m’a expliqué qu’il y avait toujours beaucoup de fossoyeurs devant l’hôpital, attendant que quelqu’un meure, et ils l’enterraient en quelques heures. Traditionnellement, dans l’Islam, les enterrements ont lieu dans les 24 heures après le décès afin de protéger les vivants de tout problème sanitaire. Puis, je me suis souvenu de tous ces fossoyeurs que je croisais sur le chemin de l’école et je ne m’étais jamais arrêté pour y prêter attention ni même demandé : Qui sont-ils ? Que font-ils là ?
À partir de ce moment, il y a eu ce personnage – le fossoyeur – qui est venu à moi, et il n’a pas voulu me laisser tranquille depuis.


Comment s’est déroulé le processus d’écriture ?


Quand je me suis assis pour écrire sur le personnage, j’ai fait le premier jet en deux semaines. C’était le voyage le plus émouvant que j’aie jamais fait, qui m’a ramené à mon enfance. J’ai créé des personnages à partir de personnes que je connais – des membres de ma famille – c’était très douloureux, mais en même temps c’était un processus très thérapeutique.


Quand ce personnage de fossoyeur a pris forme, était-il clair pour vous que le film porterait sur la vie et la mort ?


Le personnage principal, Guled, a une femme très malade qui peut mourir à tout moment. Il se bat vraiment pour faire de son mieux et sauver sa femme. Dans l’Islam, on nous dit de vivre comme si nous pouvions mourir à tout moment et de travailler comme si nous pouvions vivre éternellement. C’est aussi l’état mental du personnage. Il a une femme mourante, mais il cherche des cadavres pour vivre, donc il est tout le temps entre la vie et la mort.

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The Gravedigger by Khadar Ahmed – BUFO – photo by Lasse Lecklin


Était-il important pour vous de montrer que Guled et sa femme Nasra avaient une relation très joyeuse, illustrée par la scène où ils s’incrustent à un mariage ?


Nasra est déjà malade au début du film, mais le spectateur ne le sait pas encore. J‘ai voulu montrer sa spontanéité, et quel type de relation ils entretenaient avant qu’elle ne tombe malade. Pourquoi Guled était tombé si amoureux d’elle et avait fait tant de sacrifices pour être avec elle. C’est la spontanéité de Nasra qui les a poussés à s’incruster au mariage. Guled est plus calme, plus réfléchi. Ils sont parfaitement assortis. Il sait quand la laisser s’amuser et suivre le mouvement.


Ils font leur entrée dans ce mariage avec une chèvre. Le film commence avec l’histoire d’un rat et il y a des chameaux dans la rue. Pourquoi y a-t-il tant d’animaux dans ce film ?


Quand j’écris des histoires, j’essaie d’observer l’environnement du lieu. Qui est là, ce qui se passe et ce genre de choses. Les animaux font partie intégrante de l’environnement de Djibouti. Je donne au spectateur de petits indices ici et là tout au long du film sur ce qui va se passer et les chèvres finissent par jouer un rôle charnière. Ainsi, la chèvre que nous voyons au mariage est certes un peu amusante, mais cela donne un indice : les animaux définiront la fin de cette histoire.


Pendant ce mariage, il y a beaucoup de musique et de danse. Toutes les chansons que nous entendons dans le film viennent d’Afrique. Pourquoi est-ce si important pour vous ?


Je voulais que le film se passe entièrement en Afrique. Lorsque Nasra est allongée sur le lit, elle dit à son mari : « Souviens-toi de notre projet de mettre notre fils dans les meilleures écoles et ensuite de voyager en Afrique ». Même pour l’opération, ils disent qu’il faut aller en Éthiopie, et ce n’est pas vrai parce que les gens se rendent généralement en Inde, en Turquie, ou dans d’autres pays asiatiques. Il est presque impossible de se faire soigner dans la plupart des pays subsahariens. Il y a aussi beaucoup de films africains sur les migrants, avec des gens qui veulent aller à l’Ouest.
Je voulais donc que cette famille ait des rêves réalisables sur le continent africain, alors qu’ils ne sont pas très riches. J’ai beaucoup de famille en Afrique qui ne rêve jamais d’aller dans les pays occidentaux. C’est la même chose pour la musique, et c’est pourquoi j’ai voulu inclure des chansons africaines dans le film. La partition est signée Andre Matthias, un compositeur allemand extraordinaire, mais les chansons sont toutes sénégalaises.


Pourquoi les chansons sont-elles sénégalaises et non somaliennes ?


Les chansons somaliennes sont beaucoup trop modernes. En Somalie, avant la guerre civile, dans les années 60 et 70, il y avait de magnifiques musiques et chansons. Mais ensuite, après la guerre civile, la jeune génération a commencé à mélanger les vieilles chansons avec tant d’instruments, qu’ils les ont ruinées. Je ne trouvais pas de chansons assez sensibles pour traduire émotionnellement les scènes concernées, du coup j’ai pris des chansons sénégalaises en pensant que le public international ne verrait pas trop la différence !


L’opération de Nasra coûte 5000 $, c’est le salaire annuel d’un fossoyeur. Et Guled n’a que deux semaines pour trouver cette somme. Ne serait-ce pas plus facile de trouver des solutions en Occident ? Que voulez-vous dire sur la valeur de la vie et le système de santé en Afrique ?


En Afrique, beaucoup de gens meurent pour de toutes petites choses. La situation sanitaire en Afrique subsaharienne est démente, les gens n’ont pas suffisamment accès aux soins. Il faut y remédier car 5000 dollars au final ce n’est rien. C’est un héritage post-colonialiste : ces Africains ont tout eu, puis ils ont été abandonnés par les colonisateurs, sans système social. Une opération comme celle-ci serait facile à obtenir dans les pays occidentaux. Dans ce monde post-colonial, les occidentaux ont laissé les Africains sans outils pour survivre.


Pourquoi avez-vous décidé de ne montrer que les parties les plus pauvres de Djibouti ?


Être fossoyeur est l’une des professions les moins bien payées du pays. J’ai beaucoup discuté de l’univers du personnage principal avec Antti Nikkinen, qui est le chef décorateur, et avec le directeur de la photographie, Arttu Peltomaa. Nous avons pensé qu’il serait tout simplement bizarre de montrer la vie de cet homme, son environnement, et puis de le voir se promener au milieu de ces bâtiments modernes et magnifiques, dans des rues bordées d’arbres avec beaucoup de circulation. Nous voulions que son entourage et son environnement reflètent son statut social.


Quand Guled retourne au village pour voir sa mère, vouliez-vous nous ramener encore plus loin dans le temps et dans le mode de vie traditionnel ?


Le village est tout pour ces gens, c’est tout ce qu’ils ont. Ils ont leurs propres règles et leur propre communauté. Sous l’arbre de réunion, où les hommes se réunissent, c’est comme un tribunal. Les gens discutent, en bien ou en mal, des mariages et autres événements de la communauté. Pour moi, Guled est retourné au village pour trouver de l’aide. Mais c’est le village qui a l’air d’avoir besoin d’aide.

Une histoire captivante, d’excellents comédiens et une mise en scène parfaite ! Est-il besoin de préciser que je vous recommande vivement ce film?

Biographie du réalisateur Khadar Ayderus Ahmed
L’écrivain-réalisateur finlandais Khadar Ayderus Ahmed est né à Mogadiscio il y a 40 ans. Il a réalisé plusieurs courts métrages à succès, comme le très acclamé The Night Thief en 2017. Il a déjà fait une carrière remarquable en tant que scénariste, ayant écrit le long métrage de fiction Unexpected Journey (avec le réalisateur Samuli Valkama, 2017) et le court métrage Citizens, récompensé à Locarno et à Angers (réalisé par Juho Kuosmanen, 2008). La femme du fossoyeur est son premier long métrage. Il a depuis collaboré à la série Zone B.


FILMOGRAPHIE :
2021 Zone B Co-scénariste et co-réalisateur – Série 100 min
2021 La femme du fossoyeur Réalisateur et scénariste
2017 Le voleur de nuit – Réalisateur et scénariste – court métrage de fiction 15 min
2017 Unexpected Journey – Scénariste – long métrage de fiction 78 min
2014 Nous ne fêtons pas Noël – Réalisateur et scénariste – court métrage de fiction 10 min
2008 Citizens – Scénariste – court métrage de fiction 28 min

LA FEMME DU FOSSOYEUR

Un film de
Khadar Ayderus Ahmed
avec
Yasmin Warsame, Omar Abdi & Kadar Abdoul-Aziz Ibrahim

Long métrage coproduit par la France, la Finlande et l’Allemagne, présenté en compétition à la Semaine de la critique, section parallèle du Festival de Cannes qui s’est tenue du 7 et 15 juillet

2021 – 82min

Sortie en salle le 27 avril 2022

mais une Avant Première est prévue le mardi 26 avril au Cinéma UGC Ciné Cité Les Halles (101 rue Berger – 75001 Paris)

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