Etcha est déjà connue dans le monde du spectacle et nombreux sont ceux qui sont allés applaudir son spectacle, LA PASSE IMAGINAIRE (adaptation de l’oeuvre de Grisélidis Réal), qu’elle a joué pendant 4 ans à Paris et à Avignon.
Aujourd’hui Etcha Dvornik a créé un tout nouveau spectacle, HOLE (« TROU »), qu’elle interprète au Théâtre Darius Milhaud jusqu’au 3 avril prochain.
Plus que le spectacle, particulièrement fascinant en soi, c’est l’artiste elle-même que j’ai trouvée extraordinaire et que j’ai eu envie de vous présenter.
Je l’ai donc rencontrée dans un charmant petit restaurant du quartier de St Sulpice où elle habite.
Etcha est encore plus intéressante « en vrai » que sur scène car c’est une artiste à la fois entière et plurielle.
Je vous explique :
La création artistique fait partie d’elle-même
« La création c’est tout pour moi! Je crée tout le temps, j’ai des cartons de textes que j’ai écrits, des vidéos que je n’ai pas le temps de publier …en fait c’est le temps qui me manque le plus car je dois m’occuper des spectacles que je joue actuellement, préparer Avignon où j’irai en juillet prochain et j’ai encore d’autres projets… »
et elle poursuit : « Il y a des gens qui aiment voyager, s’acheter des choses chères…etc, moi ce que j’aime c’est créer, danser… c’est vraiment ce qui me passionne et tout le reste ne me manque absolument pas! »
Z.P : Et as-tu toujours été comme ça, passionnée de danse depuis l’enfance ?
« Depuis toute petite, j’ai toujours aimé danser, évoluer, faire des spectacles… comme tous les enfants je suppose, mais ce n’était pas tellement bien vu d’envisager d’en faire un métier …Je suis donc allée à l’Académie d’Art Dramatique de Ljubljana (Slovénie) car je me sentais vraiment très attirée par ces métiers…
Immense déception et surtout immense ennui à cette Académie où rien ne bouge, tout est solennel ! Je ne m’y retrouvais absolument pas ! C’était tellement « carré », traditionnel, sans liberté …
Et voilà, le mot est laché!
Etcha Dvornik est profondément éprise de liberté et elle associe cette liberté de mouvements à la danse…
« Libre comme … une écharpe de soie qui virevolte !
E.D : J’avais à l’esprit l’image de cette écharpe rouge aérienne d’Isadora Duncan flottant au gré du vent … et dire que c’est aussi une longue écharpe de soie qui, restée coincée dans les rayons de la roue de sa voiture, fut à l’origine de sa mort tragique !
« À cette époque, la danse était pour moi la liberté et le théâtre un carcan et ce d’autant plus que les metteurs en scène étaient tous des hommes autoritaires, qui criaient (ça faisait certainement partie du personnage qu’ils voulaient se donner comme image) et les femmes des comédiennes et moi je me disais que je ne supporterais pas qu’un homme me crie dessus comme çà…le théâtre et le sepctacle vivant sont souvent des lieux où sévit « la domination masculine »,
Il ne s’agit pas simplement de » mauavis caractere » d’un homme par ci par là, c’est plus important, j’ai pris conscience qu’être une femme et une artiste, c’est plus difficile qu’un homme/artiste. Le corps des comédiennes, et des femmes en général, est soumis aux regards des hommes, la danse permet de s’approprier son corps, de le fabriquer à sa manière. Pas telle que les hommes le voudront
Et du coup je n’étais pas tellement attirée par le théâtre en tant que tel. À l’époque je trouvais aussi que la danse exprime ce que ne peuvent dire les mots. Et donc pendant longtemps, lorsque je créais des spectacles, je prenais des comédiens pour la partie théâtre alors que mois je dansais… Et finalement, aujourd’hui, je pense que les mots peuvent apporter quelque chose de complémentaire à l’expression corporelle … »
Mon arrivée à Paris…
J’ai obtenu une bourse du Ministère de la Culture de Slovénie pour poursuivre ma formation à Paris. J’ai donc pu continuer à apprendre, à me perfectionner, j’ai passé des sélections, participé à des festivals de danse.
Ma première scène …
C’était à la Rochelle et j’en garde un excellent souvenir !
Ensuite j’ai continué à la danse, participé à l‘Université d‘été au Théâtre de l‘Image et Mouvement à Chateauvallon et rencontré de nombreux chorégraphes.
Je suis aussi passionnée de littérature
Je lis énormément et cela me permet d’alimenter mon imaginaire pour aller vers mes propres créations . Je m’intéresse à l’Art mais aussi beaucoup à la sociologie (N.D.L.R : Etcha a passé un diplôme de sociologie à l‘Université Edwards Kardelj à Ljubljana), la psychanalyse, la philosophie …
C’est d’ailleurs en partie ce qui m’a intéressée dans la création de LA PASSE IMAGINAIRE.
LA PASSE IMAGINAIRE est un spectacle inspiré des lettres envoyées par Griselidis Real – une prostituée suisse – à Jean-Luc Hennig. Une correspondance qui a duré plus de 11 ans (de l’été 1980 à l’hiver 1991).
Ces lettres racontent sa vie du jour et de la nuit. Ses clients (immigrés turcs ou arabes, pour la plupart), ses rêveries de vieillesse, ses amants imaginaires, ses coups de gueule, ses imprécations contre Dieu, ses verres de royal-kadir, ses maladies à répétition, ses usures.
Ce document sur la prostitution au quotidien dévoile le panorama secret de la misère sexuelle masculine avec rage, crudité et tendresse.
Et au fil des lettres, l’autoportrait de Griselidis met à jour les autres femmes qui vivent en elle: la grande voyageuse, la lectrice éclectique, l’amoureuse passionnée, la sociologue amateur, l’altruiste libertaire et l’épicurienne raffinée. Un sujet de choix pour Etcha qui a joué pendant 4 ans ce spectacle.
LE SPECTACLE HOLE
Le spectacle s’inspire du « Livre des jouissances » de Jean-Philippe Domecq
« La condition humaine semble la plupart du temps passer à côté de la jouissance, qui, par excellence, nous déborde … Les hommes semblent passer leur temps à passer à côté »
Jean-Philippe Domecq
À côté … mais à côté de quoi ?
Et d’ailleurs l’obsession de la jouissance en tant qu’opposition à l’idée de la mort n’est-elle pas ce qui risque de nous faire passer à côté ?
Et si l’idée de la mort est très présente dans l’oeuvre de JP Domecq, elle l’est un peu moins dans l’univers d’Etcha même si, dans le spectacle, une pelle et un seau plein de terre nous la rappellent…
« Bien sûr l’idée de la mort me préoccupe – comme tout le monde je crois – mais elle ne m’obsède pas. Ce qui me motive c’est la vie, ce que je veux faire et comment je vais le faire. C’est ce qui est important!«
Pour le moment Etcha a investit la petite salle du Théâtre Darius Milhaud qui se prête parfaitement à la chorégraphie de HOLE. Elle signe à la fois la chorégraphie, la mise en scène et introduit aussi quelques-uns de ses poèmes.
En toile de fond, des dessins érotiques de l’auteur et sur scène, évoluant d’un espace à l’autre, Etcha va jusqu’à l’extrême, utilisant des accessoires déroutants dans un mélange d’érotisme et de passion débridée.
Jean Philippe Domecq, venu assister à plusieurs reprises aux représentations, a également fait plusieurs lectures au Théâtre Darius Milhaud.
« Belle conviction et incarnation inspirée. Vous vivez la littérature de l’intérieur et la faites vôtre… »
(propos de JP Domecq venu assister à plusieurs reprises aux représentations)
Les représentations ont lieu le vendredi à 21h jusqu’au 3 avril.
Il n’en reste donc que 3 donc si vous souhaitez y aller, autant vous dépêcher de réserver !
Ce spectacle surprend, captive, fascine.
Photo de UNE : Crédits photo Tone Stojko
INFOS PRATIQUES
HOLE (TROU)
SPECTACLE CHORÉGRAPHIQUE DE ETCHA DVORNIK
D’APRÈS « LE LIVRE DES JOUISSANCES » DE JEAN-PHILIPPE DOMECQ
Chorégraphie, interprétation, poèmes : Etcha Dvornik
Musique : Anne Coroller Germanique, John Coltrane
Scènographie : Etcha Dvornik
Costumes : Etcha Dvornik, Alexandra Holownia
Dessins, tableau : Jean-Philippe Domecq
Céramiques, végétalisation : HANTU (Weber+Delsaux)
Vidéo et animation dessin et tableau : Tone Stojko
Extrait de film : Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard
Durée : 75 minutes
Réservé aux plus de 18 ans
LES VENDREDIS DU 6 JANVIER AU 3 AVRIL 2023 – 21H15
Théâtre Darius Milhaud
80, allée Darius Milhaud
75019 Paris
HOLE sera au Festival d’Avignon l’été prochain du 18 au 30 juillet 2023 à 14h30 à la Maison de la Poésie