Hier soir, nous sommes allés découvrir la pièce « La Casa de Bernarda Alba », qui fait partie (avec Noces de Sang et Yerma) de la célèbre trilogie écrite par le poète espagnol génialissime Federico García Lorca.
Une mise en scène à couper le souffle
Dès l’entrée dans la salle, le décor, soigneusement travaillé, et la scénographie, architecturée avec précision plonge le spectateur dans l’univers oppressant de Bernarda Alba.
Un foyer où la liberté semble une option lointaine.
Les éléments de lumière et de couleur Minutieusement sélectionnés, ils créent une atmosphère où tension et émotion flottent dans l’air.
Les costumes
Les femmes y sont toutes de noir vêtues et leurs robes certes typiquement celles portées en ces temps et lieu de l’histoire, sont parfaitement adaptées à la personnalité de chacune. Poncia et la servante sont caractérisées par un torchon blanc porté à la ceinture et un masque rappelant un peu ceux de la Comedia del Arte.
La mère de Bernarda qui apparaîtra en transparence et dans toute la dimension sa folie – tenant parfois pourtant un discours très réaliste – sera vêtue de voiles éthérés qui conviennent parfaitement au personnage.
Tous les symboles y sont…
Le bâton de Bernarda qui représente son pouvoir despotique. Et le fait qu’il soit cassé par Adelia aura bien évidemment une portée lourde de sens.
Les fenêtres toujours fermées mais qu’on entrouvre pour surveiller…
Le code des couleurs aussi toujours très important chez Lorca : le noir du deuil se confronte au rouge des rideaux en fond de scène sans oublier la robe verte qu’ose arborer Adelia alors même que Bernarda lui a imposé, tout comme à ses autres filles, un deuil de 8 ans.
Des comédiennes au jeu exceptionnel
Les performances des 5 comédiennes sont tout simplement magistrales!
Elles parviennent à se glisser dans la peau des personnages de façon impressionnante !
De plus, elles se partagent également le rôle de Bernarda, rôle d’autant plus difficile à mon sens qu’il s’agit de donner vie à une marionnette, et qui plus est une marionnette dont les traits principaux sont la dureté et la rigidité.
Ce passage d’un rôle à l’autre, exécuté avec une fluidité impressionnante, témoigne de leur maîtrise technique mais aussi de leur engagement émotionnel dans l’œuvre. Leur capacité à manifester des émotions allant du désespoir à l’espoir, tout en alternant la tendresse et la rivalité est juste impressionnante.
Elles sont toutes excellentes !
Et elles sont également remarquables dans les rôles des filles de Bernarda :
Angustias, Magdalena, Amelia, Martirio et Adela.
Chacune représente un aspect différent de la féminité et est confrontée à ses propres luttes intérieures.
Angustias, l’aînée, est la seule fille de Bernarda issue d’un précédent mariage. Elle n’est pas belle … car elle est vieille! (Pensez donc : elle a déjà 39 ans!) mais elle est riche et donc convoitée par les hommes de la région, ce qui suscite la jalousie de ses sœurs. Magdalena est la fille la plus douce et la plus sensible, tandis qu’Amelia est plus réservée et timide. Martirio, quant à elle, est amère et jalouse, secrètement amoureuse du fiancé d’Angustias. Et Adela la plus jeune et la plus rebelle des sœurs, désire ardemment vivre sa vie pleinement. Elle s’affranchit ouvertement des restrictions imposées par sa mère.
Toutes souffrent de l’autoritarisme de leur mère, et l’appréhendent comme elles peuvent développant des jeux d’alliances assez caractéristiques de ce type de situation.
Une expérience théâtrale absolument géniale
Autre charme de cette pièce, l’alternance d’apartés où les pensées profondes se dessinent et de scènes où tout le monde est présent autour de Bernarda qui officie en maîtresse absolue.
En plus de ces personnages féminins, Lorca introduit également un personnage masculin: Pepe El Romano.
Et en dépit du fait qu’il n’apparaisse jamais sur scène, il joue un rôle capital dans l’histoire. Il représente « l’Homme » dans cet univers de femmes.
Bien qu’étant fiancé à Angustias, il suscite la convoitise de deux autres femmes de la maison et sera le catalyseur des conflits et des tensions qui se développent entre les sœurs.
Poncia, la servante de la maison, est également un personnage clé. Elle recueille les confidences des filles, les conseille même parfois, et c’est également la seule à oser tenir tête à Bernarda avec laquelle elle parle souvent pour révéler les secrets du village .
SILENCE!
Le mot de la fin.
LA CASA DE BERNARDA ALBA bien qu’étant très ancrée dans cet univers espagnol des années 30, aborde des thèmes universels.
Oppression familiale, désir, jalousie, amours contrariées, non-dits et surtout le poids des normes sociales! « SILENCE » sera le mot prononcé à la fin par Bernarda et repris par toutes. En effet, tragédie ou pas, l’important est de préserver l’honneur et la réputation de la famille et d’éviter que le scandale ne soit dévoilé…
Cette pièce est une pépite !
Un événement à ne pas manquer!
Pour tous ceux qui n’ont pas pu assister à cette première le vendredi 12 septembre, une seconde représentation est prévue le mardi 16 septembre.
Ne la manquez pas et réservez vos places dès maintenant !
INFOS PRATIQUES
LA CASA DE BERNARDA ALBA
Adaptation de l’œuvre de : Federico García Lorca
Mise en scène : Stéphanie Fumex
Avec : Stéphanie Fumex, Florie Heraud, Christelle Jean-Marie, Coralie Peyrot et Camille Rohmer
Compagnie : Les Fruits Défendus
Festival 7.8.9
le vendredi 12 et le mardi 16 septembre à 21 h
8, rue de Nesle
75006 Paris
Réservations : 01 46 34 61 04