Avec Renaissances, six jeunes comédiennes livrent un huis clos remarquablement construit.
Les voix féminines traversent les siècles pour se répondre, se confronter et finalement se reconnaître.
Un spectacle ambitieux, porté par de remarquables comédiennes et une mise en scène d’une grande intelligence.
Dans une pièce unique, sans indication de lieu ni de temps, six femmes surgissent les unes après les autres.
L’une est Némésis, figure antique au destin implacable ; une autre jeune femme, soeur Marie-Catherine arrive tout droit du 16ème siècle , puis une prostituée du XIXᵉ siècle, raconte sa survie dans l’ombre des puissants ; plus loin, apparaît une mondaine des années 30, vernis social fissuré par son désir de liberté. Les rejoignent ensuite, une épouse américaine des années 1960, prisonnière d’un foyer toxique qui l’étouffe, et une jeune agricultrice de 2025, héritière malgré elle d’une ruralité en crise.
Toutes semblent perdues dans ce lieu sans issue. Aucune ne comprend pourquoi elle s’y trouve. Mais toutes partagent, malgré les siècles, la même trajectoire brisée.
L’écriture, subtilement rythmée, instaure une tension croissante.
Comme dans Huis Clos, les personnages se découvrent à travers leurs failles et leurs angles morts. Les récits se croisent, se superposent, dessinent un paysage commun : celui d’une condition féminine qui change de visage mais rarement de combat. Sans jamais tomber dans la démonstration ou le manifeste, la pièce interroge ce que les époques transmettent, répètent ou réparent.
La mise en scène, signée Mélusine Bitschené et Lucile Gallocher, se distingue par une sobriété assumée et une direction d’actrices précise.
Peu d’artifices, mais une grande maîtrise des déplacements, des ruptures de rythme et des silences. Le huis clos fonctionne pleinement. Et loin d’étouffer le spectateur, il devient un écrin où les émotions explosent avec une force stupéfiante. Les mouvements sont fluides, les ruptures de rythme parfaitement dosées, les silences redoutablement parlants.
Et que dire de la direction d’actrices ? Elle frôle la perfection.
Et les costumes finement choisis disent l’époque, mais ne s’y enferment pas. Ils créent un dialogue visuel entre les siècles, comme si chaque femme portait, dans sa tenue, l’héritage des autres.
Et puis il y a les comédiennes…
… dont on est tout simplement bluffé par la qualité du jeu.
Alys, Mélusine Bitschené, Jeanne Cardot, Lucile Gallocher, Élise Lemoine et Élisabeth Peresini composent un ensemble d’une cohésion rare.
Six jeunes femmes que l’on voit entrer, puis grandir, puis s’enflammer sous nos yeux.
Chacune apporte une couleur singulière, un souffle propre, un engagement palpable. Leur écoute mutuelle, leur précision gestuelle et l’intensité de leurs partitions individuelles donnent à l’ensemble une force dramatique indéniable. Elles ne jouent pas : elles existent.
Leurs voix portent des siècles d’injustices, de résistances, d’espoirs brisés ou d’élans farouches.
Renaissances est un spectacle jeune, mais déjà abouti, d’une maturité étonnante.
Une pièce qui ose confronter les temporalités pour mieux questionner ce qui demeure. Un projet interprété avec une justesse et une sincérité remarquables, qui confirme l’émergence d’une troupe à suivre de très près.
On sort de Renaissances avec le cœur un peu serré, et un sentiment étrange mais magnifique : celui d’avoir assisté à quelque chose qui dépasse le théâtre.
Un mot, un seul, s’impose : bravo.
Mon avis : à voir, absolument.
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