LES CARNETS DU SOUS-SOL : Christophe Laparra, corps à vif au cœur de Dostoïevski

Lundi soir, lors de la Générale de Presse de la pièce « LES CARNETS DU SOUS-SOL » – adaptée de l’œuvre de Dostoievski – Christophe Laparra ne jouait pas le rôle du héros (ou plutôt devrais-je dire, « de l’anti-héros« ), il l’habitait, il s’y engouffrait, il s’y brulait.

Pendant près d’une heure et demie le comédien a littéralement fait corps avec cette voix souterraine heurtée, paradoxale, malade.

Une voix qui rumine le monde comme on rumine une douleur.

Avec « LES CARNETS DU SOUS-SOL » , Christophe Laparra signe une adaptation aussi exigeante que viscérale du texte de Dostoïevski.

Seul en scène, il plonge dans la conscience tourmentée de cet homme « malade » qui revendique sa souffrance comme preuve de lucidité et marque de supériorité.

Dès les premières minutes, le comédien impose une présence habitée : il ne se contente pas d’incarner le héros, il se laisse traverser par lui, au point que tout son jeu devient une forme d’effondrement contrôlé.

Une performance qui frappe par sa totale implication physique et mentale.

Le comédien épouse les contradictions du personnage – narcissisme blessé, détestation de soi, clairvoyance acide – avec une précision troublante.

Il navigue d’un registre à l’autre sans jamais perdre la tension intérieure qui constitue la colonne vertébrale du spectacle.

La parole de Dostoïevski, dense, dialectique, souvent paradoxale, trouve ici un interprète capable de rendre audible la pensée en train de se faire, de se contredire, de vaciller.

La scénographie, épurée mais signifiante, installe un dispositif rectangulaire impossible à définir de façon précise : sous-sol ? cellule ? chambre mentale ?

Quatre objets symboliques : un prie-Dieu et son icône, un samovar fumant, une petite baignoire en zinc où tombent des gouttes, un vieux garde-manger.

Disposés aux angles, ils dessinent, plus qu’un décor, un espace mental. Ils sont les recoins d’un esprit en vrac…

Car lorsque le comédien se déplace, c’est tout l’équilibre de son monde que l’on voit lentement chanceler.

Et si le comédien tourne parfois le dos au public, c’est peut-être pour nous rappeler que nous sommes intrus, voyeurs, invités dans un endroit où nous n’avons pas forcément le droit d’être…

Une idée simple et efficace en matière de mise en scène.

Le travail sur la lumière, évoluant du clair-obscur à une blancheur presque clinique, accompagne cette plongée introspective avec une rigueur remarquable.

Christophe Laparra face à ses « messieurs« 

En se concentrant sur la première partie du roman, Christophe Laparra a mis en valeur la dimension philosophique du texte : un dialogue avec des interlocuteurs imaginaires qui lui permettent de contester les certitudes rationalistes de son époque et d’affirmer la primauté du désir, du «caprice», sur toute logique déterministe.

Ce questionnement sur la folie, sur la liberté et sur la part obscure de l’homme résonne fortement aujourd’hui.

On peut discuter la radicalité de la proposition ou regretter une intensité parfois uniforme, mais il faut reconnaître à Christophe Laparra une implication totale, impressionnante, presque dangereuse, qui donne à ce Sous-sol une force rare.

Un spectacle dense, sombre, rigoureusement pensé, porté par un acteur qui ne triche jamais.

INFOS PRATIQUES

LES CARNETS DU SOUS-SOL

de Fedor Dostoïevski

Traduction : André Markowicz
Adaptation : Marie Ballet
Mise en scène et interprétation: Christophe Laparra

Du 10 novembre 2025 au 20 janvier 2026 
les lundis et mardis à 21h
au Théâtre EssaIon 
6, rue Pierre-au-Lard  75004 Paris 

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