« FINALEMENT QUOI » AU GUICHET MONTPARNASSE

Une claque poétique et burlesque face à l’indifférence

Il est des spectacles qui vous attrapent à la gorge dès les premières secondes.

« Finalement Quoi », écrit par Philippe Madral et mis en scène avec une finesse désarmante par Stephan Hersoen, est de ceux-là. Actuellement à l’affiche du Théâtre du Guichet Montparnasse, cette pièce seule en scène nous embarque dans un huis clos vibrant, drôle et tragique, porté par une interprétation magistrale de Camille Boullé.

Un décor minimaliste, un imaginaire foisonnant

Dès l’entrée dans la salle, on est frappé par un espace à la fois épuré et étrange : deux draps blancs au sol délimitent l’univers du personnage.

Des dessins d’œufs peints pendent au-dessus de cette zone de jeu, suspendus comme les souvenirs d’une vie révolue ou les pensées volatiles d’un esprit en errance.

Un bleu de travail tâché, une paire de baskets blanches, quelques caisses en bois, des bocaux de peinture, des jouets d’enfant…

Le décor est simple, presque brut, mais chaque élément trouve sa place avec une précision chirurgicale. Rien n’est là pour faire joli : tout raconte.

Une plongée dans le chaos intérieur

Le personnage – interprété par Camille Boullé avec une intensité bouleversante – est enfermée, cloîtrée dans un espace mental et physique.

Mais cet enfermement ne bride pas sa parole, au contraire.

Elle déverse des fragments de vie, des bribes de mémoire, parfois limpides, parfois embuées de douleur ou de colère. Elle rit, pleure, crie, chuchote, plaisante, interroge, souvent tout cela à la fois.

Le texte de Philippe Madral, écrit en 1976 dans une période de grande détresse personnelle, est toujours brûlant d’actualité. Il questionne l’exclusion sociale, le rejet de la différence, et cette soif de reconnaissance que nous partageons tous, quelle que soit notre « normalité ».

Camille Boullé, une comédienne incandescente

Camille Boullé est un phénomène de scène. Sa capacité à passer d’un registre à l’autre avec fluidité – du burlesque au tragique, du clownesque à l’intime – est tout simplement stupéfiante. On ne regarde pas un jeu, on assiste à une incarnation. Elle nous parle, elle nous parle vraiment, avec cette adresse directe et spontanée qui donne au spectacle une dimension quasi conversationnelle. Elle n’est jamais dans la démonstration, toujours dans la sincérité. Sa folie douce et rageuse éclaire le texte sous un angle nouveau, celui de l’universalité de la marginalité.

Une mise en scène subtile et puissante

Stephan Hersoen signe ici une mise en scène tout en tension contenue et, néanmoins, teinté de légèreté.

Le choix d’une comédienne pour un texte originellement écrit pour un homme n’est pas anodin : il gomme les frontières du genre, il ouvre le texte à d’autres résonances. Et ça fonctionne. À merveille. Le rythme est finement dosé, les ruptures maîtrisées, et le regard du metteur en scène ne cède jamais au pathos ni à la facilité. Il nous laisse le soin de recevoir, ressentir, et réfléchir.

Une pièce nécessaire

Mais surtout, « Finalement Quoi », c’est un spectacle nécessaire. Parce qu’il redonne voix aux invisibles, aux oubliés, aux « pas comme les autres ». Parce qu’il pose frontalement la question de la norme et de ceux qu’elle exclut. Parce qu’il nous renvoie à nos propres enfermements, nos contradictions, nos indifférences. Et parce qu’il le fait par le rire, l’absurde, la tendresse et la violence mêlés.

« Qui est bizarre ? Le personnage qui s’adresse à nous? Ou nous, qui la regardons ? »
Cette question, posée à demi-mot par la pièce, résonne longtemps après la sortie.

Un grand merci à l’attachée de presse Dominique Lhotte qui nous a invités à découvrir cette pièce.

Infos pratiques

« FINALEMENT QUOI »

Texte : Philippe Madral
Mise en scène : Stephan Hersoen

Avec Camille Boullé

Réservations 01 43 27 88 61