FESTIVAL D’AVIGNON : « 49 DEGRÉS » DE REBECCA VAISSERMANN À LA FACTORY

À Dubaï, il ne fait jamais officiellement plus de 49 degrés…

… car au-delà, la loi interdit de travailler.

Cette réalité étouffante, à peine croyable, est le point de départ de “49 degrés”, un spectacle coup de poing signé Rebecca Vaissermann et mis en scène par Matthias Lefèvre, présenté actuellement au Festival Off d’Avignon.

Une fresque contemporaine et universelle sur l’exploitation des corps

Dans un centre commercial climatisé de Dubaï, “Elle” rêve, regarde les passants, et nous ouvre la porte d’un monde où le mirage de la modernité cache une réalité beaucoup plus sombre : celle des travailleurs immigrés, exploités, oubliés, réduits au silence.

À travers les récits croisés de Mo, Abhishek, Ketut — figures fictives inspirées de témoignages bien réels — le spectacle lève le voile sur les conditions de vie inhumaines derrière les vitrines du luxe.

Le récit prend la forme d’un Exode moderne, dans lequel Moïse est remplacé par une figure féminine.

Un clin d’œil biblique qui souligne l’ambition symbolique de l’œuvre : faire entendre la voix des invisibles, dénoncer l’idolâtrie du profit, et rêver d’une Terre promise débarrassée des chaînes du travail forcé.

Une mise en scène chorégraphique, physique, viscérale

Dirigée par Matthias Lefèvre, la mise en scène transcende le simple théâtre documentaire. Elle s’appuie sur un langage corporel puissant imaginé avec le chorégraphe Jadson Caldeira, où chaque mouvement devient révolte, résistance ou prière.
Ici, les corps parlent plus que les mots. Ils tombent, se relèvent, se soutiennent, forment des colonnes humaines. Dans ce monde silencieux où les dialogues sont presqu’absents, le geste devient cri.

Cette partition physique, engagée et profondément sensible, fait du spectacle une expérience pluridisciplinaire qui bouscule les habitudes du public et brise les frontières traditionnelles du théâtre.

Une distribution engagée

49degres-Credit-Photo-Emmanuel-Bosse-Messier-zenitudeprofondelemag.com
49 degrés – crédits Photos Emmanuel Bosse Messier

Les quatre comédiens portent la pièce avec une intensité rare :

  • Charbel Hachem, dans le rôle du « taiseux », émeut profondément. Silencieux le jour, conteur la nuit, il incarne toute la force du non-dit.

  • Sarah Cavalli Pernod, libre et fougueuse, apporte poésie, rage et vitalité.

  • Pauline Ben Guigui et Matthias Lefèvre, d’une justesse saisissante, font de chaque mot une déflagration.

 

Ces artistes — issus de parcours singuliers, souvent transatlantiques — donnent au spectacle une portée profondément internationale, entre mémoire personnelle et luttes universelles.

Un théâtre miroir du réel

“49 degrés” c’est une alerte, un appel, une secousse.

Une pièce qui interroge le système pyramidal d’exploitation qui régit nos sociétés modernes, de Dubaï au reste du monde. Qui questionne notre rapport au travail, à la performance, à la réussite. Et surtout, qui nous renvoie une question dérangeante : que cautionnons-nous, de loin, sans même nous en rendre compte ?

Si la pièce parle des travailleurs immigrés du Golfe, elle parle aussi de nous. De nos routines. De nos silences. De nos choix.

Un théâtre politique, poétique et nécessaire

À l’heure où les droits humains reculent souvent au nom de la rentabilité, où les mégaprojets masquent des tragédies humaines, “49 degrés” s’impose comme un spectacle engagé, courageux, essentiel.
C’est un théâtre qui ne donne pas de leçons, mais qui ouvre les yeux.

Qui ne cherche pas la complaisance, mais la conscience.

Un théâtre brûlant, lumineux et profondément humain, qui interroge, bouleverse, et qui surtout, fait entendre des voix que l’on refuse souvent d’écouter.

Un spectacle qui mérite d’être vu pour rêver encore et encore que l’art pourrait changer le monde.

Un grand merci à l’agence LM qui m’a invitée à découvrir ce spectacle.

INFOS PRATIQUES 

49 DEGRÉS
Texte : Rebecca Vaissermann
Mise en scène : Matthias Lefèvre
Chorégraphie : Jadson Caldeira
Avec : Charbel Hachem, Sarah Cavalli Pernod, Pauline Ben Guigui

Festival Off d’Avignon

à 12h05

LA FACTORY ROSEAU TEINTURIERS

45 RUE DES TEINTURIERS

84000 AVIGNON

À voir absolument pour rêver encore et encore que l’art pourrait changer le monde.

En savoir plus sur ZENITUDE PROFONDE LE MAG

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture